Avant-hier, dans le Jardin des sambucs, notre atelier parlait d’arbres…
L’écorce, Alain Laurent
Il est là. Depuis toujours ou depuis… depuis quand d’ailleurs ? Ecorce grise, rugueuse, plissée, ravinée, érodée. La peau d’un éléphant, la peau d’un arbre.
Que dit-elle ? Est-elle le reflet d’une vie, est-elle mon reflet ? L’écorce, la surface… on dirait une souffrance, une histoire tragique, une vie ancienne, rude, brute, essentielle. Et si vieille aussi. Un sentiment d’éternité, d’immuabilité.
Mais cette écorce si vieille, si ridée, si cabossée, c’est aussi le berceau des branches puis des feuilles. Et d’une autre vie. D’autres vies. Des insectes, du vent, de la pluie… des vies innombrables. L’écorce ridée est un berceau. C’est peut-être là son secret. Sa vérité.
Le vent le sait, qui connaît tout, qui enveloppe tout. Il connaît tout le vent. Il fait vivre les feuilles, il transporte la vie, il est la parole du monde vivant. On dirait même que l’écorce y prend goût.
Alors l’arbre chante : les feuilles bruissent mais ce n’est pas du bruit. C’est une parole que l’on n’entend plus, la parole d’ailleurs, la parole du tout, la parole du fond. Et la parole de l’écorce. Au fond cette écorce c’est une frontière, une porte, le signal de ce qui est autre.
Autre que moi, autre que nos vies humaines. L’écorce – cette écorce-là –, c’est la force cachée, la certitude que nous existons avec et par d’autres vies. Innombrables.
Cachées derrière l’écorce.
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Le texte de Laurène Grangette
Noyé dans la pinède
Un parmi d’autres
Il fait partie du tout
Un peu plus en avant
Un peu plus au soleil
Un peu plus sec
Sur la colline
Comme un menhir
Tendu vers le ciel
Ses racines, dit on, sont peu profondes
Couché par une tempête
Cassé par le vent
Sa force est son adaptabilité
Aux sols
Sa capacité à s’étendre
En coup de vent
Petite graine portée par le feu
Il est pionnier
De tous les lieux
Droit comme un I
Petit tronc
Grand Être
Un peu loin des nuages encore
Mais pas si loin
C’est avec d’autres
Qu’il atteindra le ciel
Ne sois pas si pressé grand pin
Ta croissance rapide est illusoire
En chacun de nous se limitent nos
capacités de vie
Prends le temps de regarder chaque jour
La vallée
Le jardin
T’en inspirer pour baliser ton chemin.