Mercredi, le lendemain [1er juin 2005, Port-au-Persil]
Lever vers 4h00 pour admirer le paysage velouté vert et ses chevaux avec au large, le Saint-Laurent-mer. A 8 h, après une petite marche, petit-dej en compagnie de nos hôtes, Bertrande et Antoine. D’adorables gens du cru, ils ont 8 enfants, Antoine était mécano au long cours, ils ont ouvert leur gîte il y a 20 ans, à la retraite d’Antoine, qui en ce moment même nous cuisine des crêpes en nous racontant les potins du coin.
[Je me souviens avoir été gênée de me faire servir par ce petit homme de 85 ans, pourtant guilleret, et qui avait prévenu ma tentative d’aide…]
Les expressions de Bertrande et bribes de conversation
« Catine bien ma chérie » pour dire « Cajole bien Justin »
« Entrez mes amours »
« C’est pantote ou pas pantote » : c’est tout ou rien.
Se maganer : se déchirer, se fâcher
« Il y a les cocus contents et les cocus pas contents » (à propos d’un fils qui avait quelques soucis de couple…)
« J’avais un garçon qui avait débarqué (quitté la maison) puis qui voulait rembarquer. J’lui ai dit non, je peux plus rien pour toi. Puis y avait le chef (Antoine) qui m’a dit de choisir. Alors j’ai dit à mon fils « ce que mon mari me donne, tu peux pas me l’donner. »
[Je suis toujours stupéfaite de ces conversations intimes que les circonstances d’un voyage peuvent susciter : on sait que l’on ne se reverra plus et tout se raconte… J’ai surtout expérimenté cela en Amérique du Nord, même dans le cadre du travail, de déplacements outre-Atlantique, où des collègues m’avouaient leur homosexualité, leur désir d’enfant, leurs compromissions pour en avoir coûte que coûte quand nous sortions d’un repas pas même arrosé…]
Dejeûner de morue fraîche à Kamouraska, jolie ville paisible sur le Saint-Laurent. On ne peut pas s’empêcher de penser aux Indiens qui vivaient là et qui sont relégués maintenant beaucoup plus au nord-est où ils vivent dans la pauvreté.
[Je crois que l’on pouvait parler de misère. La même misère croisée vingt ans auparavant dans la même province, plus au sud, où leur chef (un Huron je crois, ami de la famille – « ma famille québecoise ») qui parlait un français impeccable et presque sans accent, m’avait demandé de faire savoir cette misère. J’étais restée désemparée devant sa requête.]