De sa gorge s’échappe un son aigu et discordant, elle ne reconnaît pas son cri, il éloigne les oiseaux. A l’intérieur d’elle-même, c’est tout un chaos bouillant. Son sang chauffe, ses vaisseaux se dilatent et charrient le liquide brûlant du cœur aux poumons, jusqu’à tous ses organes vivifiés dans l’instant, et la moindre parcelle de chair dans son corps allongé, dilaté, augmenté, profite de ce flux. Elle est un univers en expansion. Elle exulte et crie un son rauque cette fois, qui grince comme un mât que le vent malmène. Balancée, bercée, roulée, elle flotte maintenant au loin, seule sur l’océan. Elle a répondu à l’injonction surgie de l’écume et ne regrette rien. Elle a laissé l’eau la pénétrer, l’envahir, l’irriguer, l’inonder. Sa confiance dépasse toute raison. Son buste se dresse hors de la vague, telle une proue sans navire. Elle inspire. Goûte les vents. Au-dessus d’elle, le ciel l’étreint dans sa monotonie grise. Elle aperçoit les oiseaux. Sous elle, dans les profondeurs de l’eau, ça oscille, ça palpite, ça frémit, ça frissonne, ça tremble et ça bat. Et c’est là, sucée par les courants, qu’elle sombre dans les flots, dans le silence des abysses. Aucune peur, aucun danger. Un dernier bond la propulse hors de la houle. Dans leur vol circulaire, les oiseaux l’espèrent.
Image © Marc Guerra, Des poissons et des femmes, ≠6
Nous poursuivons notre voyage dans l’univers Des poissons et des femmes entamé le 4 janvier et pour une année entière : sur une image de Marc Guerra, j’écris un texte et publie le tout chaque vendredi… jour du poisson !
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beau texte et belle photo tout baigne !!