Le 21 mai, ils partirent pour Dingle sous une pluie battante, manquèrent la Healy Pass, se régalèrent de la vue sur le lac (Lady’s view) au milieu des montagnes parmi les plus hautes d’Irlande, déjeunèrent sur une hauteur en regardant se retourner les kayaks, et arrivèrent finalement au port de Dingle où ils dégotèrent un B&B (trouvé dans aucun guide), le O’Neils, chambre 7, ce qu’ils voulaient.
Ils dînèrent chez Fenton du bœuf tendre à souhait, well done pour lui, medium pour elle, accompagné de légumes craquants, et comme ils avaient auparavant bu chacun un litre et demi de bière (1 l chez Flaherty et l au restaurant), ils estimèrent qu’il était temps d’aller se coucher.
Le 22 mai
L’Irlande se cache en hauteur, derrière les éperons de la côte où se pressent les touristes. L’Irlande est en pierres sèches et en murets gris, elle est pauvre et ses cahutes de pierres plates abritent des carrioles rouillées, de larges dalles disloquées dessinent des cours à l’arrière des maisons, les écuelles rondes y attendent, renversées, le grain pour les poules. L’Irlande abrite des ruisseaux sonores, mais invisibles, qui courent sur les pentes des prés où broutent les moutons à tête noire. L’Irlande ne se montre pas, ou si peu, mais elle ose toujours un signe de la main au passant qu’elle croise.
Ils laissèrent Dingle pour faire le tour de la péninsule, visitèrent des « bories » vieilles de 500 B.C. et habités jusqu’en 1200 AD, burent du whisky dans l’herbe irlandaise en admirant les vagues se jeter sur les falaises et les mouettes danser en rond au-dessus, puis ils se mêlèrent aux touristes ardéchois descendus d’un car en un groupe compact pour visiter un oratoire du Xe s ou quelque chose comme ça. Après re-Dingle et le Supervale pour des courses, puis Tralee, puis Trabact (?) où ils prirent le ferry, ils accostèrent enfin sur la presqu’île de Burren, sous une pluie quasi battante. Là, les Cliffs of Moher les attendaient, immuables, noires. En route pour Doollin, ils avisèrent une farm house où ils dînèrent puis se rendirent dans les bars où il est indispensable d’aller quand on visite un patelin : O’Connors et Mc Cans (dans le désordre). A minuit, leur voiture refusa de démarrer et ils se dirent que demain serait un autre jour…
Grand soleil le 23 mai malgré le vent ou plutôt à cause du vent… Les aléas du voyage dus notamment à l’âge considérable du véhicule entamèrent quelque peu la journée. Heureusement en Irlande comme ailleurs, les garagistes sont efficaces et celui-ci répara la tête de delco en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Le Burren se révèle surprenant de cailloux, de roches, de falaises, d’herbe rare, de murs élevés au milieu de la pierraille, puis de vaches, de prés verts, d’arbres feuillus, le tout le long d’une côte tout simplement superbe.
Le soir de cette journée, ils choisirent un bout du monde pour passer la nuit et ce fut un B&B au sud du Connemara, à quelques kilomètres d’Oughterard. La personne qui les salua d’un « How are you doing ? » sonore, accompagné d’un grand sourire, leur suggéra intuitivement que c’était là qu’on les attendait. La maison vieillotte est abritée par une végétation luxuriante ; de la chambre qu’ils occupent, ils ont vue sur le lac Corrib, poissonneux (truites et saumons surtout). Dans la campagne environnante, on vend une ferme de 40 ha. Elle appartient à un Allemand installé ici depuis 25 ans, il vend aussi sa maison (« an old fabulous house », dixit Betty) 400 000 FF, ainsi que son business de purification d’eau.
Ils se promenèrent dans les environs, à pied, s’extasièrent sur les moutons, les rives du lac, les îles (on dit ici qu’il s’en crée une par jour).
Le lendemain, ils décident de partir pour une marche à travers le marécage. Leur hôtesse est justement guide, elle leur prête des cartes, leur propose des sandwiches (qu’ils refusent) et ils partent sous un temps changeant. Après trois heures et demie de marche, ils atteignent un sentier et c’est là que la pluie mêlée de grêle les surprend, les mouillant de part en part. Heureusement, le Kean’s Pub les attend. Ils y dégustent une Guinness, tirée en deux fois, succulente, et des sandwiches chauds. Le patron est sympa, les prend pour des Hollandais, à cause de l’accent, leur dit-il, c’est un ancien ami de jeunesse du beau-père de Betty lequel est aujourd’hui un peu sénile. Betty vient les rechercher au pub, toujours souriante ; elle leur assure qu’ils s’ennuieraient s’ils venaient vivre dans le Connemara. A la maison, c’est Mary, la propriétaire des lieux qui leur offre un café et s’intéresse à leur projet de suivre les pas de Mesdemoiselles Mignon et Mespoulet.
Sur les traces de Mesdemoiselles Mignon et Mespoulet, agrégées, boursières d’Albert Kahn, membres titulaires de la Société autour du Monde, qui partirent en Irlande en 1913 et réalisèrent 73 clichés en couleur « pour Monsieur Kahn ».
(Titre du carnet de voyage écrit pour la circonstance du 17 mai au 2 juin 2000)
Cahiers et carnets – Des voyages – CI ≠ 3
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