Le 25 mai
Après un full Irish breakfast, ils reprennent la route sous un soleil ardent. Le vent souffle.
Déjeuner sur un pier et sieste.
Rencontre avec l’homme de la tourbe. Né en 1922, il parle le gaélique, difficile à comprendre. Il a une ferme et ce champ dont il extrait la tourbe. [Dans le livre consacré à Mesdemoiselles Mespoulet et Mignon, une page et une photo sont consacrées à un homme au milieu d’un champ de tourbe. Le texte est intitulé « La mine de l’Irlande et son mineur ». Bien sûr nous n’avons pas pris de photo du monsieur en question, mais de champs de tourbe, oui, enfin, des diapositives…] Il montre la sorte de pelle qu’il a fabriquée pour cela, avec un angle, il dit qu’il est heureux, que lorsqu’on a une terre, une maison et des mains pour travailler, on est heureux. Il dit que seul Dieu séchera la tourbe s’Il le veut (The Man above). Il crie contre les machines, contre les gens qui s’installent ici, qui achètent des maisons, qui ont des bateaux et qui ne travaillent plus la terre.
« The memory of the Just is blessed » Lu dans une église ? un cimetière ?
[Je rappelle ici que notre projet était de prendre en photo les sites et monuments photographiés en 1913 par Mesdemoiselles Mignon et Mespoulet, et de les reproduire à l’identique dans la mesure du possible.]
Abbaye de Ross à Headford
Le 26 mai 2000
A moins de 300 mètres, sur la gauche d’un chemin qui mène à l’abbaye de Ross, se dresse une petite maison de pierre, inhabitée. Elle a quatre ouvertures, une porte d’entrée, surmontée à droite et à gauche de deux fenêtres ; celle de gauche a été agrandie, elle a maintenant le double de la taille de celle de droite qui est refermée par un volet de bois noirci par le temps. Attenante à la maison, une petite construction qui devait être une étable ou un poulailler, enfin quelque abri pour les animaux. La dernière ouverture, minuscule, est à droite de la porte d’entrée, obstruée aujourd’hui par des moellons. Cette petite maison a plus de cent ans. Mesdemoiselles M & M l’ont vue, s’y sont peut-être rendues, peut-être y ont-elles été accueillies car à l’époque, il n’y avait guère d’autres maisons dans les parages. [Elles ont voyagé en train de Dublin à la côte Ouest, mais j’ai aimé les imaginer se déplaçant ensuite en voiture à cheval et demandant le gîte au hasard de leurs pérégrinations… Mesdemoiselles M & M sont parties de Galway. Ross est au nord-est, c’est leur 3e étape après The Claddagh, ce quartier sur lequel je reviendrai plus tard.]
Nous avons retrouvé le muret de la photo, il est aujourd’hui envahi par les arbustes et les buissons, voire les arbres. [Et nous avons donc pris une photo, tirée ensuite sur papier ! Elle est quasiment identique à celle prise par Mesdemoiselles M & M, sauf 2 ou 3 moutons au premier plan, un muret de pierres qui s’est construit sur la droite… et la forme des nuages… La voici.]
L’horizon n’est plus aussi bas, des maisons se sont construites, des arbres ont poussé, relevant son niveau. Il y a toujours des moutons, il y a aussi des vaches. On devine que ce paysage leur a paru mélancolique. Nous avons retrouvé le petit chemin entre deux murets que M & M ont dû emprunter pour accéder au pré afin de prendre une photo.
Fondée en 1351, Ross Errilly s’agrandit considérablement en 1498, devenant l’une des plus grandes fondations franciscaines en Irlande. Aujourd’hui, c’est la mieux préservée. Cloître pour méditer, église pour prier, bâtiments domestiques pour cuisiner, manger et dormir.
On est accueilli aujourd’hui par le bruit étrange du vent dans les portails de tube métallique, le croassement des corneilles.
Les frères abandonnèrent the friary en 1753.
Face nord de l’abbaye [ci-dessous], seul l’arbre à droite de la photo originale a disparu, ainsi que la grille remplacée par un muret. Le jaune des lichens est sans doute plus flagrant qu’au temps de M & M, mais la couleur du soir y était peut-être pour beaucoup. Ici, nous sommes le matin, 11 h, et le soleil perce mais n’enflamme pas les pierres.
Sur les tombes, les dates débutent en 1526 ; la plus récente date du 5 mars 1999. [Sur le livre, la légende indique que les inscriptions courent « de 1526 à 1870 environ ».)
Les plus vieilles pierres tombales sont à gauche en entrant par le petit portail (2e photo N&B ci-dessous). Elles sont illisibles. 1690 côtoie 1927.
Un blason date de 1646. Il représente un voilier surmonté d’une main à droite ; d’un livre et d’un visage à gauche, une croix au centre, un poisson sous le bateau. Une licorne tout en haut est perchée sur un heaume. C’est ce que j’ai trouvé de plus vieux qui soit lisible [photo ci-dessous, rien ne se devine, je me souviens avoir détaillé le blason pour cette raison.)
Sur les traces de Mesdemoiselles Mignon et Mespoulet, agrégées, boursières d’Albert Kahn, membres titulaires de la Société autour du Monde, qui partirent en Irlande en 1913 et réalisèrent 73 clichés en couleur « pour Monsieur Kahn ».
(Titre du carnet de voyage écrit pour la circonstance du 17 mai au 2 juin 2000)
Cahiers et carnets – Des voyages – CI ≠ 4
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