Te parler de sa mère, ta grand mère Y., son départ en catimini, sa fuite en douce, l’abandon de ses deux enfants J., 5 ans et A. ton père, 3ans, un jour ordinaire ; d’une semaine ordinaire du beau mois de mai.
Enfants livrés à eux-mêmes toute une nuit suivie d’une longue journée ou le temps n’a de sens qu’à travers les bonbons avalés, engloutis, mal digérés, entre larmes et morve.
Situation révoltante aux yeux de la grand-mère Louise (ton arrière grand-mère). Comment ?, pourquoi ?, avec qui ?, pour qui ?, où était-elle partie cette Y. de misère, cette femme de peu, cette moins que rien, fille à soldats, qui avait osé laisser une lettre, un mot, un brouillon, une bavure, une vomissure, un chiffon sur la table de la cuisine :
JE PARS
Y.
L’armoire vide jupes et jupons disparus
chapeaux feutre délicat ou soie froissée envolés
chaussures de cuir souple, escarpins de satin ou bottines à lacets
iront à petits pas danser sur d’autres parquets
Je vous le disais bien, répétait Louise, l’arrière-grand-mère au corps lourd, aux hanches larges, à la poitrine tombante, et je crois même deviner sur la photo un soupçon de moustache… Je vous le disais bien que tout cela finirait mal, c’était pas une fille d’ici cette Y. Elle avait le regard par en-bas, les lèvres trop rouges, la chemise trop moulante, la jupe trop courte et les pieds toujours en mouvement. Je vous le disais ! C’est pas une fille d’ici ça !!!
Aline Leaunes
Texte écrit en atelier d’écriture, 17.6.17
Photo : Marlen Sauvage
« Reflets de nuage dans une mare »
ma soeur que ton texte est beau . BRAVO