Deux textes écrits en atelier d’écriture à Florac en 2017, par Chrystel C. à partir de deux tableaux de Velasquez.
La Vénérable Mère Jeronima de la Fuente
Ah, je te jure que c’est pas moi qui l’ai choisi ce costume pour le carnaval. Mais il restait que celui-là. Tu m’étonnes que personne n’en ait voulu…
Et pis, en plus, il est trop serré. Regarde cette espèce de charlotte que j’ai autour de la figure. Je vais avoir des marques pendant au moins deux jours !
C’est pas possible qu’il y a ait eu des gens pour porter cette tenue, même en 1620.
Tout ce noir, on dirait que je vais à un enterrement. Ça traîne par terre, dès que je vais faire un pas, c’est sûr, j’vais marcher dessus. Et si je dois aller faire pipi, je t’en parle même pas.
Mais le pire, quand même, c’est cette croix qu’on m’a refilée avec le costume. Je sais pas quoi en faire, je sais pas où la mettre, je sais même pas comment la tenir. Elle est gigantesque et lourde par-dessus le marché !
Alors c’est bon, tu l’as prise ta photo ? Non, ne me demande pas de sourire en plus, je n’y arriverai pas. Et puis, j’ai vraiment trop chaud là-dessous, il faut vite que j’enlève cet accoutrement ridicule.
Alors mon p’tit ange, tu la trouves comment ta maman ?
– Et bien, comme tous les jours, je te trouve belle, maman. Tu sais bien que tu es et resteras toujours la plus belle. Mais pourquoi tu me poses la même question comme ça tous les jours ?
– Attention mon ange, avec tes rubans, je ne vois pas très bien. Tiens le bien droit le miroir. Oui voilà, comme ça c’est bien.
– Bon, tu as fini parce que moi, j’en ai marre de rester là, accroupi, à tenir ce truc. En plus, j’ai froid et j’aimerais bien aller m’habiller pour aller jouer dehors avec les copains.
– Attends encore un peu mon ange. Je me demande quand même si je n’ai pas un peu grossi. Juste un chouia, là, au niveau des hanches. Avec tout ce que j’ai mangé ces derniers jours : choucroute, raclette et tartiflette. Je n’aurais pas dû faire tant d’excès.
– Non maman, je ne trouve pas que tu as grossi depuis hier.
– Si, si, un peu je crois. Et là, regarde, sur ma tempe, un cheveu blanc ! Mon Dieu, quelle horreur ! Un cheveu blanc, mon ange, tu te rends compte ? Ta pauvre mère qui vieillit et grossit.
– Mais non maman, puisque je te dis que tu seras toujours la plus belle pour moi.
– Oui, oui, mon chéri. Tu as sans doute raison. Je ne me trouve pas si mal finalement. Va t’habiller, moi je reste ici, dans mes draps de satin où je me sens si bien. Dans un moment, j’irai prendre un bain. En attendant, pose le miroir ici, sur le lit, pas trop loin. A présent, tu peux aller jouer mon lapin.
Texte : Chrystel C.