Suzanne, par Anne Vernhet

Atelier d’écriture… Un personnage en 3 phrases, et un atelier plus tard, l’instant où se tenait ce personnage juste avant ce qui a été saisi dans l’atelier précédent.

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« Ses cheveux blancs étaient serrés dans un éternel chignon. Le bouquet de fleurs qui trônait au milieu de la table, sur un des innombrables napperons qu’elle continuait à broder, était un peu défraîchi. Comme chaque jour, à cette heure là, elle attendait une visite. »

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Suzanne se réveille tôt comme tous les matins. Elle reste allongée dans son lit ; elle attend que le clocher sonne sept fois, puis encore sept fois. Il est temps alors de se lever et d’affronter une nouvelle journée. Celle-ci sera peut être la dernière. Non, pas vraiment la dernière ; pas dans ce sens là ; la dernière d’un cycle c’est tout. Suzanne n’a pas envie de mourir. Cela fait des années qu’elle lutte pour arriver à devenir ce qu’elle est aujourd’hui : une grand-mère respectable, menant une vie bien rangée et un rien monotone, dans un appartement bien comme il faut. Elle ne se laissera pas faire.

Elle sort de son lit ; fait sa toilette, une toilette sommaire car on est mardi ; elle fait bouillir l’eau, prépare ses trois tartines ; sept heure trente ; elle peut déjeuner. Rien ne doit s’immiscer dans la routine avec laquelle elle a su dompter le quotidien.

Elle va s’habiller : une robe droite couleur ciel d’automne en lainage léger, des bas gris, des chaussures confortables ; elle se coiffe, rassemble ses longs cheveux blancs dans un chignon strict ; elle ne se regarde pas dans le miroir.

L’appartement est en ordre, chaque chose à sa place. Chaque chose ? Il y en a si peu finalement. Pas d’objet qui lui rappelle son passé ; pas de photo ; enfin si, celle de Gabi, ce chaton maigrichon qui avait élu domicile dans le local à poubelle ; il avait su l’attendrir mais, malgré tous ses bons soins, il n’avait pas survécu.

Les fleurs du bouquet commencent à faner. Elle verra ça plus tard. Ce n’est pas le moment. Samedi dernier, au milieu des factures et des publicités, elle a reçu une carte postale. Image touristique de la plage de Cancale. Une seule phrase : Je serai chez toi à 10h30.

Texte : Anne Vernhet
Photo : Marlen Sauvage

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