(suite)
29 décembre 2017
Réveil dans le grand soleil chaud de Nefta, où je découvre l’hôtel du jour (que nous avons atteint à la nuit…).
Chaque porte de la ville est surmontée d’un vers du poète national Abu El Kacem Chebbi, que me traduit A. Ici « Si un jour le peuple décide de vivre, alors le destin ne peut que se soumettre. » Cette parole a enflammé le désir d’indépendance du peuple tunisien (l’hymne national le cite), est devenue la phrase fétiche du monde arabe inspirant un désir de liberté. Mais peut-on vouloir se prendre en main sans Dieu ? La phrase a été jugée blasphématoire par la mosquée de la Zeitouna… Le poète renié revient mourir à Tozeur.
Balade dans les rues de la ville, visite du marché aux fruits de saison, des ruelles aux bâtisses de pierre claire et aux portes ouvragées posées entre deux murs de béton, de l’oasis victime d’un manque de civisme navrant avec le dépôt incompréhensible de déchets en tous genres… Comment est-il possible de laisser ainsi se côtoyer les plus belles inscriptions poétiques et la puanteur d’une déchetterie à ciel ouvert ?
Loin du groupe, nous nous installons pour boire un thé avant de déjeuner dans une gargote au mobilier bleu Majorelle, d’un poisson grillé sous nos yeux et… sur la rue ! Des cars déversent leurs touristes dans la ville, Ibn Khaldoun observe tout cela de sa hauteur quasi céleste, perché sur un piètement de mosaïque bleue que supporte une double colonne de pierre grise.
Bientôt il faut rejoindre les autres pour filer en direction d’un site à visiter (oublié le nom du site…), où je me contenterai de l’oasis voisine et des ruelles du village, faute de pouvoir supporter le dénivelé du canyon… Zied me tient compagnie.
J’erre alentour… des voix m’attirent et je m’approche d’un homme qui trie des dattes à même un tapis posé dans l’herbe fleurie tandis qu’un jeune homme, grimpé sur un palmier dattier, sectionne les régimes avant de les faire glisser sur un fil tendu entre l’arbre et le sol. Nous échangeons quelques mots. Je m’étonne de la couleur orangée des branches. Alors que je me suis écartée pour lire, le monsieur vient déposer près de moi un régime de dattes jaunes et juteuses. Aïchek. Sourires.
Dans le village écrasé par la torpeur, un vendeur de pierres et de fossiles m’explique l’origine des coquillages, huîtres calcifiées, coquilles saint-Jacques, bigorneaux, bois pétrifié, calcédoine bleue, micaschiste, et bien sûr roses des sables qui s’amoncellent sur ses étals. Quelques ruelles plus loin, je découvre à quel point la terre en regorge car au bout du village, le sol en est jonché. La vue magnifique ouvre sur un défilé ocre où coulait jadis une rivière large, le canyon est profond, la montagne au loin ondule comme une mer pétrifiée.
Zied me raconte sa manière de faire découvrir la Tunisie aux touristes de l’association « Ritmi e danze dal mondo ». La Tunisie sous toutes ses facettes, plus ou moins photogéniques, authentique en tout cas.
Le groupe d’amis italiens réapparaît à quelques mètres au-dessous de nous, leurs voix les ont précédés. Comme nos guides – Stefano, Sabrina et Zied – ont décidé de nous en mettre plein les yeux (et les jambes), nous repartons à tout berzingue en direction de Tamerza. il est près de 16 heures, le soleil est encore haut… d’un seul coup, fatiguée, je trouve que la journée est longue !
Je choisis une fois de plus de rester avec un petit groupe aux jambes lourdes pour éviter une longue balade. Courte déambulation au milieu de petites cascades qui formaient il y a peu de temps encore un petit lagon. Rien d’extraordinaire cependant jusqu’à ce que le soleil tombe en jetant son badigeon ocre sur le paysage.
Après un bref passage à notre hôtel, nous repartons vers la Dar Houidi dans les ruelles de Nefta, une maison qui appartient depuis huit générations à la même famille, et que tient un monsieur charmant, malade du cœur, enfoui dans un burnous marron (la tenue des hommes ici). On nous sert brick et chorba avant un couscous puis du poulet grillé et des fruits dont les fameuses poires locales que je ne goûte pas d’ailleurs, ayant déjà la panse fort remplie. Musique traditionnelle et danses, transes et marche sur les braises, finissent de nous transporter…
(à suivre)
Texte et photos : Marlen Sauvage
Tout comme brigetoun.
😀
ma que c’est beau ! un rêve jamais réalisé… merci de nous en donner de belles pépites (en passant vieilles civilisations ont toujours donné poésie et ordures en même temps 🙂
@brigetoun Ah ! mais je vous invite, Brigetoun !!!! J’y serai en août pour quelques mois😉