« Nous deviendrons vains
à nos absents nos plaintes creusées
au mitan du rocher où chuchote le tapage du monde
nos pas nous mèneront à l’inconfort de vivre
aux confins de lueurs d’espoir
nos pleurs éloignés des amertumes
apprivoiseront les départs
à formuler des adieux désormais nous nous appliquerons
nous nous appliquerons jusqu’à ce que la mort chavire
les visages dans l’ordinaire
eux qui demeurent parmi les songes passés
aux voix bruissant à jamais dans nos tempes
dans la brume où dorment les ornières
deviendront ponts suspendus
absents effacés dans la vieillesse
celle au ventre gonflé mise en terre
absences auxquelles il faut consentir
en étouffer le manque qui vrille la chair
Survivrons à nos plaintes
dans la brume où dorment les ornières
nous aussi bientôt soustraits à l’empressement du monde
sédiments pierreux immobiles
enfouis au terreau à la vase du limon
statuaires rouillées du temps qui clôt les lèvres
la rivière qui s’enfuit oubliera nos froideurs de pierre
nous aussi soustraits aux pesanteurs disparates
un jour désapprendrons leurs visages et leurs voix
nos rires survivront à nos plaintes
en attendant nous aussi soustraits
Vivre !
déterrer dans toute ombre le souffle de nos bouches
oublier les mots disparus les phrases inachevées
pénétrer dans l’antichambre s’arrêter sur le seuil
observant déposés comme des offrandes
leurs yeux fermés que plus rien n’éclaire
la douleur de leurs arrachements par bribes
rassemblée aux ombres qui se souviennent
éprouver d’écrire à éclaircir les brumes automnales
la réalité nébuleuse au sortir d’un rêve pâle
quand le silence nous prend la main
pour nous conduire à l’absence
dans l’illusoire apaisement de la contemplation de la nature
à la fin de l’hiver les amandiers sont en pleurs
l’été n’est pas aux coquelicots qui rougissent les champs
mais au sang à l’heure où s’abattent les mondes
tremblantes lumières à l’instant du déclin
les cheveux blanchissent aux années qui s’égrènent
nos morts ne sont pas trépassés sont leurs rires
les nuances de leur teint les timbres de leurs voix
leur terrible ardeur fouit une quête de silence
de pierreux de granite vivent leurs rêves
personne ne s’aveugle entre les lignes d’une vaine écriture
dans l’envers des yeux des hommes. »
Rose-Marie Mattiani, Des jours sans eux, ©éditions Unicité, 2018
[Illustration de couverture, Rose-Marie Mattiani]
Lire ces mots le jours où je vais saluer un départ.
@alteyrac Accompagnons ensemble…
Le jour ! J’étais troublé.
A mesure que la vie avance, ces moments se multiplient. Et ils nous réunissent, malgré tout.
@alteyrac Oui, pour moi aussi ! 🙂
Merci Marlen pour avoir communiqué mon texte. Emotion…
@Latelierderose Je l’aime, donc j’en parle ! Si cela pouvait inciter les lecteurs à l’acheter…