Du clocher de l’église à vol d’oiseau un kilomètre cinq cents peut-être jusqu’à l’entrée de la maison. Seul un regard de rapace apercevrait l’enfant. Avant il errerait de la cour de l’école en face jusqu’à l’épicerie à l’enseigne bleue ; et de la mairie (captivé un instant par le drapeau bleu blanc rouge flottant dans le mistral) descendrait la rue entre les maisons de village aux fenêtres fermées (derrière lesquelles certainement brilleraient d’autres yeux curieux), glisserait droit devant jusqu’à la chapelle Saint-Jean (où arrivait la procession le jour de la fête de l’été), la laissant sur la gauche et s’enfonçant alors sous quelques arbres avant de percer le ciel bleu au-dessus des maisons crépies, des jardins entretenus, des boîtes à lettres disparates, et sans s’arrêter au stop rouge et blanc qui barre un croisement, traverserait la voie de chemin de fer et son ballast turquoise et blanc, un champ de blé (où se couchaient des corps d’enfants, légers, joyeux, avant de repartir en courant jusqu’au village ou à la rivière), un bois, un champ en friche, un autre bois, mais toujours en point de mire tel un mât dressé au milieu du paysage, la Gentone et son bassin de béton alimenté par une source, à la cour plantée d’un figuier, d’un amandier, d’althéas frémissantes jetant dans l’air jaune et bleu leurs touches blanches et fuchsia.
Texte et photo : Marlen Sauvage
Un texte écrit pour l’atelier d’été 2018 (Construire une ville avec des mots) de François Bon sur le tiers-livre. Pour chaque auteur(e), une page…
Des regards, celui du rapace, puis de l’enfant et celui des yeux dissimulés derrière les persiennes, celui du lecteur ?