Sous le porche allongé, ses jambes fuselées s’échappent de son short très court. On voit la peau de son ventre sous son caraco blanc. Elle a lâché ses cheveux longs. C’est une femme libre. Une nature. Elle a du chien. Un parfum de patchouli. Du khôl sur les yeux. Il la croise. Guindé dans sa cravate étroite et son col serré. Les yeux cachés derrière des lunettes d’écaille. Il se retourne. On voit leurs dents. Un rire sonore. Communicatif. Elle effleure le bras de l’homme qui tient la sacoche. ll y a des bruits de pas, des bruits de voix. La vieille dame à la silhouette voûtée, large comme un tonneau, allonge le cou. Elle les regarde par en-dessous. On dirait une tortue. On sait bien qu’elle alimentera les cancans. On l’écoutera par goût de la médisance. Pour être du côté « des autres ». De ceux qui parlent. Un éclair de fleur d’oranger. C’est l’odeur de la boulangerie pas loin, le jour des fougasses. Une autre femme bouscule le couple, leur sourit d’un air entendu, elle aussi, les cancans, la médisance, les autres. Elle habite juste là, au premier étage de la placette. Derrière les rideaux. Le couple s’écarte pour laisser passer monsieur le curé qui se rend à la cure, de l’autre côté du porche. Près de l’église dans le vieux village. C’est l’heure du cours de catéchisme. La femme du couple ne quitte pas des yeux l’homme et sa sacoche, de l’autre côté du curé qui passe. Elle finit de sourire. Elle entrouvre la bouche. L’homme détourne la tête, murmure quelque chose. Et s’en va.
Texte et photo : Marlen Sauvage
Un texte écrit pour l’atelier d’été 2018 (Construire une ville avec des mots) de François Bon sur le tiers-livre. Pour chaque auteur(e), une page… et un oloé…