
Un couple de perruches Grand Alexandre, Psittacula eupatria de leur nom savant, vivent chez Alain depuis une dizaine d’années. Un couple d’amoureux ces deux là. Ils ne cessent de s’bécoter, dorment côte à côte, se câlinent aile contre aile, face à face, se regardent dans les yeux, se respectent quand il s’agit d’entrer dans le nid, chacune attend son tour pour picorer dans la mangeoire. Une parfaite harmonie dans ce couple.
Un matin, Alain découvre Perruchette inerte, en boule au fond de la cage, pâtes écartées, les plumes ébouriffées, les yeux clos. La posture des mauvais jours.
Lui, appelons le Perruchon. Du haut de son perchoir la tête baissée, il la regarde, crie fort, très fort, signe que quelque chose ne va pas. Veut-il la faire réagir ou demander de l’aide ?
Perruchette est atteinte du mal de ponte. Ce n’est pas la première fois. Alain sait comment il faut la guérir, il lui donne à boire avec une seringue le remède adéquat, il sait faire, c’est la deuxième fois , il l’a déjà sauvée. Le jour d’après elle avait fait l’œuf.
Cette fois-ci Perruchette ne réagit pas, elle est de plus en plus affaiblie, les soins n’y font rien. Alain réfléchit, assis près de la cage. Perruchon pressent que la situation s’aggrave, il a l’œil sur elle depuis qu’elle est au sol. Ne plus hésiter, il faut intervenir et voilà qu’il descend de son perchoir, approche délicatement son bec près de celui de sa bien-aimée, elle réagit, ouvre légèrement le bec. Elle comprend que Perruchon veut la sauver. Il régurgite son repas comme il le ferait pour nourrir ses petits. Elle avale cette divine pâtée, il recommence l’opération et attend près d’elle, il ne l’abandonne pas. Alain assiste à cette incroyable et touchante scène. L’espoir renaît.
Les heures passent, Perruchette a retrouvé quelques forces, elle tente de s’agripper aux barreaux de la cage pour grimper et aller boire. Impossible. Les forces font encore défaut. Alain intervient, il place un bâton-perchoir sous ses pattes pour lui permettre de prendre appui de façon à atteindre l’abreuvoir. Elle s’en sert comme d’un tremplin. Elle atteint l’eau salvatrice et boit quelques gorgées sous le regard non moins attentif de Perruchon qui crie à casser les oreilles. De joie ! Hourrah ! et il crie, il crie, saute de perchoir en perchoir.
De l’eau et de la nourriture préparée et digérée avec amour, elle devrait se requinquer. Elle reste un moment près de lui. Elle a encore l’équilibre incertain sur le perchoir. Il ne la quitte pas des yeux prêt à réagir à la moindre faiblesse. Aile contre aile, il l’incite à aller se reposer vers le nid. Il y entre le premier, en ressort, ainsi de suite plusieurs fois. Il l’appelle, une fois, deux fois, il en faudra trois pour qu’elle comprenne. Ils ont passé leur nuit ensemble, partageant le meilleur de leur amour en se réchauffant.
Ce matin, sur le perchoir, Perruchette et Perruchon s‘ bécotent. Ils s‘ bécotent en s’ foutant pas mal du regard attendri d’Alain en s’disant des « Je t‘aime » pathétiques, ils ont des têtes bien sympathiques.
La vie reprend le dessus. Suivons l’exemple de ces oiseaux. Ils nous donnent une belle leçon. L’amour sauve de tout.
Monique Fraissinet
Un texte librement proposé par l’auteure hors tout atelier d’écriture.