
Un texte d’atelier écrit par Mireille Rouvière
Nous avions pris des chemins différents, elle, elle cherchait dans la pente. Je ne l’entendis plus et la peur qu’elle ne s’égare fit que je décidai de me diriger vers elle. Je ne l’appelai pas, je respectai son silence cela faisait si longtemps que nous n’avions pas eu quelques moments d’intimité. Je l’aperçus à travers les branches. Elle était assise sur la mousse, en silence, le regard vers le sol. Je la redécouvrais. Elle avait remonté ses longs cheveux bruns avec une pince qui dévoilaient l’ovale de son visage. Je connaissais ses yeux verts qui pouvaient devenir noisette lorsqu’elle était ravie. Ses lèvres fines qui ne laissaient passer que peu de mots comme si elle trouvait qu’il ne fallait pas les gaspiller. Mon cœur se serra et des souvenirs d’enfance refirent surface. Il y avait longtemps qu’elle n’était plus revenue chez nous. La brouille ridicule qui nous avait séparés lui avait interdit un retour dans ces terres que nous aimions parcourir dans de longues balades à la découverte des petits ruisseaux qui nous surprenaient toujours par leur profondeur. Au-delà de ses fondrières sans fond nous imaginions des mondes fabuleux et magiques. Nous étanchions notre soif à tous les filets d’eau que nous trouvions sur notre chemin.
Ses yeux scrutaient le sol avec assiduité. Les grands sapins obscurcissaient l’horizon. Il faisait déjà sombre sous leurs houppiers. Je m’approchai. Aurait-elle eu un malaise ? Je vis son regard fixé au sol. Un instant de grâce. Elle était en extase, hypnotisée par sa découverte : devant elle sur un tapis de mousse fraîche un cèpe énorme. Elle ne pouvait en détacher ses yeux. Effrayée par son regard statique, je pris peur et m’approchai.
– Regarde, me dit-elle avec son petit défaut de langue qui me la rendait si fragile, il est splendide je ne peux pas me résoudre à le couper.
Je la découvrais si vulnérable.
Mireille Rouvière
Ma proposition
Retrouver un moment heureux ou non, et en restituer ce qui aujourd’hui en constitue l’essence. En quoi notre mémoire est-elle suffisamment intacte (mais le sait-on jamais ?) pour venir nous dire quelque chose de notre état du moment ? En quoi le passage du temps modifie-t-il le souvenir de ce qui nous a affecté et révèle-t-il une part de nous inexistante alors ? MS