
La douleur n’avait pas complètement quitté son ventre, des flots de sang arrivaient par petites saccades souillant son jupon, dégoulinant sur ses bas de laine mités. Elle prendrait, pour le couvrir les derniers haillons qui avaient été jetés dans le bas de l’armoire bancale de la chambre sombre et froide et qui n’avaient pas servis depuis au moins deux ans. Un bonnet d’indienne rouge et blanc seule touche de couleur, couvrait la petite tête dodelinante laissant apercevoir une peau fripée, rougie par le froid de ce début d’hiver. Tout au long du chemin bordé de sapins, elle ne se plaindra pas, elle avancera, évitant les flaques et les boues qui en couvrait le sol, espérant qu’au moins, pour cette longue nuit, la clarté de la lune éclairerait son premier trajet.
Elle essaierait de lui donner pour quelques heures un peu de la chaleur de son corps, elle le serrerait fort contre elle afin qu’il entende les battements de son cœur.
Des kilomètres à parcourir, combien, elle n’en savait rien, elle savait juste qu’il lui faudrait du temps. Il ne s’agitait pas malgré la cadence effrénée qu’elle lui faisait subir. Arrivée en haut de la colline qui surplombait la grande falaise, elle déboutonna son corsage. L’instinct de survie avait guidé sa petite bouche rose. Avide de vivre, il ne se fit pas prier. Elle se pencha vers lui puis détourna son visage se refusant à la réalité.
L’ ombre de sa silhouette la poursuivait, ils ne faisaient qu’un.
Dans son dos, la musette qu’elle portait en bandoulière battait ses fesses au rythme de ses pas. Arrivée à l’orée du bois, c’est le vent qui lui glaçait le dos. Elle n’avait pas d’autre choix.
En bas dans la vallée, l’horloge du Prieuré sonnait les douze coups de minuit.
Monique Fraissinet
Un texte issu d’une proposition d’écriture, par une habituée de mes ateliers… Illustré par la photo de mon petit Souleyman, 7 ans maintenant, merci à lui !