Ecrire en novembre, par Liliane Paffoni

Photo : Marlen Sauvage

Parce que

Parce que les forêts s’étaient tues, le vacarme du monde en était assourdissant.

Parce que les villes et les villages étaient déserts, des mauvaises herbes s’insinuaient dans les fissures.

Parce que la métamorphose n’est pas la mort, un jardin envahi d’herbes folles n’est pas abandonné.

Photo : Liliane Paffoni

Errance

Jour 1

Fermer la porte n’était pas suffisant. Trop simple. Clic, clac. Et le tour était joué. Non. Il fallait se dépouiller. Cela ne se verrait pas. Mais elle, elle le sentirait, l’appréhenderait. Peut-être ou jamais. D’abord le dépouillement extérieur. Elle laissa tomber son grand manteau noir. Il s’étala dans l’herbe sèche comme une corolle rabougrie. Aussitôt, une nuée de gamins, qui avaient poussé au gré des saisons, les pieds noirs et nus, s’emparèrent du manteau et disparurent derrière les taillis. De la route, elle entendit les cris d’une dispute, des jurons, puis, soudain, une voix forte dans une langue qu’elle ne connaissait pas, s’éleva. Des claques retentirent. Le silence, immédiatement troué par les hoquets des pleurs des enfants. Elle porta la main à sa joue. La brûlure de la gifle était toujours là. Elle marcha longtemps, droit devant elle.

Jour 2

Sur le bord du chemin, une femme en robe de mariée. La robe était sale et déchirée. Au loin, des appels : « Francesca ! Francesca ! » La mariée mit un doigt sur ses lèvres. Des larmes coulaient, silencieuses. De son sac, la femme sortit un mouchoir en dentelles et lui tendit. Elle aussi, elle avait pleuré. Des paroles pleines d’épines éclatèrent dans sa tête. Elle mit les mains sur ses oreilles et s’éloigna.

Jour 3

L’aube se levait sur la pâture. Elle entendait le bêlement lancinant des moutons. Leur dos ondulait dans les vapeurs de brume. Elle aperçut le berger, assis sur un tronc d’arbre, immobile, serrant un agneau dans ses bras. Elle s’approcha lentement. Il tenait une petite boule frisée qu’il contemplait avec un regard grave et doux. Elle tendit la main pour caresser l’agneau. Son corps était froid et raide. Elle recula. De son chapeau, elle décrocha une fleur qu’elle posa sur la toison bouclée. Elle s’en alla, les mains posées sur son ventre. Elle aussi, un jour, n’avait pas su donner la vie.

Jour 4, jour 5, jour 6, Jour 7 …

Il y eut des sentiers, des routes, des chemins, des fleurs, des arbres, la douceur du vent, les brûlures du soleil, les pierres, les épines, les rochers, les montées, les descentes, les plaine à l’infini, il y eut des éclats de rire, des sursauts de peur, des caresses, des baisers, des mots d’amour, des hommes, des femmes, des enfants, des souvenirs qu’elle ne voulait plus, des errances qui l’avaient lassée, alors, elle s’assit sur une pierre. Peut-être qu’il viendrait la chercher.

Auteur : Liliane Paffoni

Ces textes répondaient aux suggestions d’écriture de l’atelier de novembre 2020. MS

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