©Marlen Sauvage – Dans la maison de Giono, à Manosque.
Un portail en fer modeste et rouillé qui grince à la poussée ; une main suffit aujourd’hui, et ouvre sur une cour en terre battue, dites-moi que c’est ici, les premiers souvenirs, la maison de l’enfance confuse, brouillée, les murs de brique pour enceinte, les murs de brique pour façade, de la brique rouge et noire, sale, on pourrait croire la misère, la décrépitude, l’oubli, pourtant ce n’était qu’un quartier simple, une maison mitoyenne, une vie de ménages et sans superflu, une grand-mère droite, à l’autorité naturelle, qui n’élevait jamais la voix, aux yeux bleus rieurs, à l’accent chantant du Nord, ferme et douce à la fois ; que la porte s’ouvre enfin, sur la pièce où un lit s’adossait au mur du fond, près d’une porte menant à la cuisine jaune, avec la table et le buffet, les chaises en ordre autour.
Le jaune brille de tous ses feux, arrosant de lumière les souvenirs les plus lointains, les plus aimants, le jaune où s’enfouissent tous les rêves, les nuits à chuchoter dans le noir en attendant le retour des parents, on croyait au ciel, aux prières, au soleil et le soleil se levait avec chaque journée, on l’accrochait à notre cartable pour le mélanger à l’encre violette des encriers, on le suivait comme une étoile de retour à la maison, il éclairait la cuisinière où la soupe réchauffait, il se couchait avec nous, on le suspendait à nos cœurs d’enfant.
A Giverny, le coup de cœur pour la salle à manger ! Bien sûr le jaune de l’enfance a pâli, comparé à celui-ci, et l’opulence du lieu n’a rien à voir avec les souvenirs. Peut-être la cuisine de Giono s’apparentait-elle davantage au jaune et à la modestie de la cuisine de la grand-mère…
MS
@adejardin Un beau souvenir aussi que cette maison remplie de la présence fantôme de Giono !
Superbe. Et le soleil !!! Merci.