Pourquoi je travaille et pourquoi CE travail-là ? En bref, à quoi je sers ? Le travail m’aide-t-il à aller mieux ou bien contribue-t-il à me rendre plus malade encore ? Quand je ne travaille pas pendant plusieurs mois, force est de constater que cela me manque, je me sens isolée, inutile, sur la pente de la « débilisation », et quand je travaille trop, je me retrouve prise dans un tourbillon sans fin, dans un temps qui ne cesse de filer, sans moi, presque sans moi, je sens l’épuisement me guetter à chaque coin du jour, ou de la nuit d’ailleurs, mes jours comme mes nuits se confondant parfois sans transition aucune. Je rêve d’un temps où j’aurai le temps… L’insatisfaction à chaque coin de rue… Comment sortir de cette insatisfaction quotidienne, du doute permanent, de la culpabilité au réservoir inépuisable ? Sans doute les deux pieds devant… Si je cesse de vouloir toujours mieux, c’est que je serai morte. A quoi me sert alors de travailler ? A lutter contre mes démons, à mettre en sommeil ces idées morbides, à garder en suspens mes pensées les plus noires. Oui, mais où placer le curseur entre le travail qui avilit et celui, source de bien-être, qui nous épanouit ? Comment doser cette histoire-là ? Avec quelles épices pour en relever la saveur sans s’arracher la gueule, sans se tordre de douleur ? Avec quels condiments savamment associés, pour obtenir un mélange de couleurs agréable au regard, une odeur qui met en appétit, un goût suffisamment subtil et délicat pour donner envie de poursuivre encore, avec la certitude qu’on ne va pas s’empoisonner, qu’on s’en sortira vivant, que tout se passera bien. Le travail, une petite cuisine interne.
Texte : Chrystel C.
Ecrit en atelier en 2018, groupe de Florac.