Des arbres et des hommes

© Prèle Guerra

« Abattre les arbres. Pour ces hommes transformés en forces brutes, la chose semble aller de soi. Certes, de ces géants à la présence si muette, à la senteur si dense, ils connaissent la farouche volonté de ne pas céder un pouce. Sous leurs coups sans pitié, les arbres conservent leur dignité jusqu’au bout ; ils tombent d’une pièce, sans jamais courber l’échine. Leurs écorces craquelées et leurs chairs saignantes signent une vie obstinée, addition de plongée dans le sol et de poussée vers le ciel. On ne doute pas que, piliers d’un temple invisible, il sont les gardiens de quelque solennelle loi de la Création. Et leur chute, avec le tronc retranché des racines, d’abord lentement penché, puis violemment précipité vers le sol dans un bruit de tonnerre, est chaque fois ressentie comme une sacrilège. Mais les hommes qui sont face à eux n’en ont cure. Eux on subi une autre loi qui dicte la destruction. Ils ont été détruits eux-mêmes en leur corps comme en leur âme. Le peu de force vitale qu’il leur reste, ils sont contraints de l’utiliser pour exécuter l’ordre formel : détruire. »

François Cheng, Le Dit de Tianyi.

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