
Pas besoin de tergiverser des heures pour reconnaître que ce mot-là est hideux, c’est bien pourquoi je l’ai classé dans la liste des mots qui écorchent. Il n’y a qu’à le décomposer (celui-là n’est pas mal non plus…) pour sentir à quel niveau on se situe et ce qu’on en fait de ce mot. On l’expulse tout simplement. Et puis que signifie d’abord être compétent ? Quelle(s) compétences(s) faut-il avoir pour survivre dans ce monde-là ? Des compétences sociales, intellectuelles, émotionnelles ? Pourquoi ne naît-on pas tous avec les mêmes compétences ? N’est-ce qu’une histoire de génétique ? Les compétences sont-elles là à la naissance (voire même avant) sur les starting-blocks, prêtes à décoller, à rayonner dans toutes les directions, n’attendant qu’à se potentialiser (celui-là était également dans la liste) ? Parce que c’est celui qui aura les meilleures qui réussira dans la vie, décrochera le meilleur job, gagnera le plus d’argent, aura la plus belle femme ou le plus beau mari, les enfants les plus doués, la maison la plus spacieuse avec la pelouse la mieux tondue et le chien le plus complaisant (celui-là n’y était pas je pourrais toujours le rajouter). Mais soyons sérieux, ce ne sont pas les compétences qui fabriquent de l’humain, encore moins du bonheur. Alors, non, c’est plutôt dans la liste des mots à jeter à la poubelle qu’il faudrait le placer ce mot.
Vague
Ce mot m’emporte avec lui dans son va-et-vient incessant. Plus ou moins haut, plus ou moins violemment selon la couleur du ciel, pour retomber ensuite dans les profondeurs sous-marines. Parfois je la sens arriver, gonfler lentement, s’approcher, ne cherche pas à l’éviter, me prépare à plonger, l’accompagne et la laisse déferler en moi jusqu’à ce qu’elle se retire. D’autres fois encore, elle arrive très vite, trop vite, pas le temps de la voir venir, de prendre mon souffle, elle me prend par surprise, me saisit, m’engloutit, puis s’éloigne à nouveau, me laisse exsangue, seule, couchée sur le rivage, attendant le retour du soleil dans le flou des nuages, attendant la prochaine.
Autrice : Chrystel Courbassier
Texte issu du stage d’écriture à La Ronceraie, en Lozère, mai 2022.