
Cesse de la fermer et ouvre-toi
Ouvre-toi comme jamais tu ne l’as fait avant
Ouvre-toi au monde, à l’air qui entre en dedans,
Laisse couler en toi le liquide tiède et sucré sur ta langue et jusqu’au creux du ventre,
Mange et bois tout ce qui s’offre à toi, du plus mauvais au plus savoureux,
Du plus brûlant au plus glacé,
Découvre les matières, les textures, les saveurs et les parfums,
Goûte à tout, sans exception
Ouvre-toi encore pour laisser pénétrer les mots,
Les mots familiers, les mots-caresses, les mots tordus, les mots ardus
Ceux qui te sont adressés et puis les autres, que tu attrapes au vol ou saisis dans l’instant
Laisse s’installer la confiance, et puis le vide, le manque qu’à ton tour tu empliras de mots
Choisis à qui tu souris,
Geins quand tu as faim,
Crie quand tu es en colère,
Appelle quand tu as besoin d’aide,
Demande quand tu désires,
Pleure quand tu as de la peine
Gémis quand tu as mal
Plisse-toi quand tu doutes
Ouvre-toi bien en grand pour rire à gorge déployée
Ouvre-toi pour faire sortir les sons, les substantifs, les phrases et puis les longs discours
Laisse s’écouler les mots, ceux qui apaisent, qui écorchent, qui dérangent, ceux qui glissent, même ceux qui mouillent ou ceux qu’il faut jeter à la poubelle
Prends la parole et ne la lâche plus,
Ne te prive pas, ne t’empêche pas,
Empare-toi des mots et fais-en ton pouvoir,
Bouscule le silence,
Fais savoir par elle ta présence
Halète, tremble, souffle, respire, baille, hoquète, frissonne,
Jamais plus ne te bâillonne.
Autrice : Chrystel Courbassier