
Encore un jour où le téléphone n’a pas sonné, voilà trois jours qu’elle n’a vu personne, qu’elle n’a parlé à personne. Il n’a pas appelé, il n’appellera pas, il n’a plus besoin d’elle, elle le sait, encore un qui se souvient de son existence quand il en a besoin, quand il veut un service. Ça c’est l’histoire de sa vie, elle le sait c’est ainsi. Ah ! il n’y a pas que lui, la voisine il y a huit jours est venue la voir, soi disant pour prendre des nouvelles tiens rien du tout elle voulait parler de son problème de santé elle sait qu’elle a des connaissances elle voulait son avis éventuellement un nom… Depuis plus rien, plus de nouvelle, qu’a-t-elle fait ? Lui est entré dans sa vie par hasard pour elle mais peut-être et certainement pas pour lui, il était perdu, elle pouvait l’aider, elle l’a accompagné, ça a duré des mois, elle n’en pouvait plus, elle ne pouvait pas le dire, on l’avait élevé comme ça « tu dois aider, écouter, comprendre les autres, disait sa mère, on ne peut ignorer ceux qui sont dans la détresse, bien sûr elle ne peut agir au niveau de la société mais à son petit niveau oui » . Elle peut ouvrir sa porte, sa table, des contreparties elle n’en veut pas, mais un sourire, même pas de la reconnaissance mais sentir qu’il est réconforté. Sentir qu’il ne profite pas mais est apaisé, cela suffit. Mais non rien, pas un mot juste « il a boudé » parce qu’elle a dit non alors là c’était trop, elle a réagi, il a claqué la porte. Depuis silence. Un de plus pense-t-elle, encore un qui n’a besoin de rien pour le moment et qui reviendra quand ça recommencera. Départs, silences, oublis, abandon, utilisation seraient des mots qui pourraient décrire sa vie. Parfois elle l’écrit, parfois elle le crie (cela ne gêne personne, elle est seule) mais pourquoi cela se répète-t-il ? que fait-elle ? que dit-elle qui incite les autres à venir la sucer jusqu’à sa substantifique moelle puis à claquer la porte, à l’oublier. Depuis son enfance c’est cela, si elle maintient des relations, c’est qu’elle fait le premier pas, elle ne peut oublier ceux qu’elle croyait ses amis. Ils ne sont pas inquiets ils savent qu’elle est là, elle peut rager, râler quand le silence se fait lourd plusieurs jours durant, décider que plus jamais elle ne se laissera prendre au piège, il suffit d’un petit coup de téléphone, d’un texto et c’est reparti, elle se remettra en quatre pour eux. Pourtant elle s’était bien juré d’écouter simplement, ne plus agir, ne plus s’impliquer, ne pas s’en mêler. C’est plus fort qu’elle, elle est comme ça elle a été élevée comme ça. « tu dois aider, écouter, comprendre, toi tu es verni » disait sa mère oui tiens rien du tout elle, elle se secoue, elle, elle ne proscratine pas, elle réagit certes parfois un peu trop vite. Et après tout ce silence, elle s’en moque, elle s’occupe, à elle la musique à tue-tête et pas du classique s’il vous plaît, non de la pop que ça fasse du bruit, là au moins elle se trémousse, s’éclate et personne ne la juge, et si on profite d’elle après tout elle s’en moque elle, elle vit.
Autrice : Sabine Lavabre Chardenon
Texte issu du stage d’écriture à La Ronceraie, en Lozère, mai 2022.
merci Brigitte, 😉, tu me fais découvrir quelque chose ! je suis allée là : https://www.youtube.com/watch?v=8_NS71kdGTU
au pire finis par les tambours du Burundi