
Texte issu du stage d’écriture à La Ronceraie, en Lozère, mai 2022. Autrice : Chrystel Courbassier
Etoile
Fragile lumière qui s’allume dans le ciel à la tombée du jour, frémit parfois, disparait un jour en filant sa dernière course, laissant un trou noir à sa place. Etoile, fidèle compagne de la nuit, de la Lune aussi, pour qu’elle se sente moins seule.
Les soirs où le ciel est bien dégagé, quand surgit de derrière la montagne, l’astre rond et blond comme du bon pain, si proche, si majestueux, si beau, si arrogant, si lumineux, je le regarde d’en bas, je le regarde hypnotisée, j’ai envie de plonger dedans, de m’y vautrer comme dans un gros coussin douillet, d’en croquer un bon morceau. Puis il monte, monte encore, inexorablement et s’éloigne. Ainsi, hors de portée, rejoint par ses compagnes étincelantes.
St Exupéry déclare « Si tu aimes une fleur qui se trouve dans une étoile, c’est doux la nuit, de regarder le ciel ». Etoile fleur dans le ciel.
Il dit aussi pour rassurer celui qui reste « Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elles, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire ». Etoile rieuse.
Pour le Petit Robert est étoile « tout astre visible, excepté le Soleil et la Lune ; point brillant dans le ciel, la nuit ». Dessiner une étoile lorsqu’on est enfant relève d’un long apprentissage. L’étoile ne se laisse pas attraper si facilement. Il y a plusieurs techniques. Le plus simple : tracer trois traits se croisant en un point central. Plus complexe, l’étoile de David à six sommets, formée de deux triangles entrelacés, l’un pointant en haut, l’autre en bas. Et puis il y a l’étoile à cinq sommets que l’on forme à tâtons tentant de rester symétrique.
Ma grand-mère m’a appris très tôt comment cueillir les étoiles : la nuit il suffit de poser une bassine d’eau au milieu de la cour pour les avoir à ses pieds, écrit Valérie Perrin dans l’un de ses romans.
Faute de savoir les bons mots, le père dit à l’enfant que sa mère ne reviendrait pas, qu’elle était l’étoile la plus brillante du ciel. Dans de nombreuses mythologies, on considère les étoiles comme les âmes des morts admis au ciel. Cela signifiait donc pour l’enfant qu’il ne pourrait l’apercevoir que la nuit. La journée, tous les jours de sa vie, il allait devoir se débrouiller sans elle. S’il avait su pour la bassine d’eau, il aurait probablement été moins triste.
Mer
Gigantesque étendue d’eau mouvante aux contours mal définis, elle reflète la couleur du ciel, éveille les sens, suscite rêves et sentiments ambivalents. Tantôt ouvre ses bras pour vous accueillir un instant, un instant qui s’étire hors du temps. Tantôt vous engloutit par surprise quand vous ne vous y attendez pas, par vagues successives. Imprévisible, dangereuse, sensuelle, enveloppante, mortelle, tout cela à la fois.
Souvent chantée :
La mer qu’on voit danser… Le long des golfes clairs… A des reflets d’argent…
C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme…
La mer qui nous transporte, son parfum iodé, son goût salé, sa caresse sur la peau frémissante, sa voix lénifiante, son horizon bleuté à perte de vue.
L’encyclopédie des symboles nous dit que la liaison est immémoriale dans l’imaginaire entre la mer, la mort et la mère – la mort pouvant du coup y devenir, sous l’influence de la mère, un pouvoir de renaissance….la mer, masse d’eau informe et infinie, comme la meilleure image, en même temps, de la matrice primordiale et de l’inconscient, les deux termes pouvant s’équivaloir ».
J’ai rêvé un jour que j’étais seule debout sur une plage déserte. Et la mer m’appelait et je marchais vers elle. J’y entrais doucement, lentement, sereinement. Je ressentais alors une plénitude intense, un bonheur inouï, tellement fort que je me réveillais, dévastée et en pleurs.
Autrice : Chrystel Courbassier