
Encore une journée de travail. Encore une fois le trajet vers l’aéroport. La grande ville s’éveille à peine, on ne peut que deviner l’arrivée prochaine du soleil sur le port, seule la basilique là-haut étincelle déjà, la Bonne Mère surplombant de son sourire figé la mer, les collines, le réseau dense des rues, des boulevards, des places. Dans le bus, à sa place habituelle, Paul. Toujours le même, visage fatigué, mal rasé, veste jetée négligemment sur les épaules; mais l’œil pétillant, le regard acéré déjà…
« Adiéu, Léon, alara, coma siam …? Ca va mieux pour toi, finalement ? » . Pas le temps de répondre bien sûr, avec Paul, tant mieux ! Pas l’envie non plus…
Le démarrage du bus, le défilement des rues, des silhouettes entr’aperçues, en route vers un futur insaisissable… Pas de place assise, debout, accroché au dossier du siège, vue brinquebalante sur les chevelures et les chapeaux des voyageurs assis, impression forte de solitude, sentiment d’être différent, loin au-dessus du monde.
« Tu as déja le programme de ta journée ? » La phrase, rituelle, prend aujourd’hui un sens nouveau, se colore différemment. Paul ne se préoccupe d’ailleurs pas d’être compris, il n’attend pas vraiment de réponse, il parle, il en a besoin, son mégot vite éteint coincé entre ses lèvres, il tourne à peine le regard vers son collègue.
« Mais, sias las, benléu ? Tu as peut-être envie de t’asseoir, je te laisse la place ? » Non , pas envie de s’asseoir, se tourner plutôt vers l’arrière, voir s’éloigner les rues, les maisons, les quartiers reconnus, voir les passants rétrécir puis disparaître.
Vu de l’extèrieur, un bus plein, traversant alternativement les ombres et les lumières de la ville dans cette journée qui va naître, un bus poursuivant sa route, des passagers assis, on devine à peine leurs présences…
Dans le fond du bus, un homme, debout, à côté et loin des autres, le regard fixé sur son passé, sur les souvenirs qui s’effacent.
Auteur : Guy Courbassier
Comme thème de stage, j’avais proposé « Le mouvement ». Et sans entrer dans le détail des propositions, le mouvement s’appliquait aussi bien aux situations qu’aux personnages, à leurs discours ou encore à la « technique » d’écriture.
MS
Prenant ce texte, prise… Merci.
L’auteur, informé, est tout sourire ! Merci Anne !