« Va-et-vient » n°2, Ce drôle d’effet, par Amélie Gressier

Petit rappel : le jeu littéraire intitulé Va-et-vient consiste en un échange entre auteurs qui écrivent un texte, illustré ou non, sur le blog de l’autre. Vous pouvez retrouver le premier volet ici. Il  paraît tous les premiers vendredis du mois. Le thème de ce numéro 2 est « Ce drôle d’effet ».

Ainsi j’accueille aujourd’hui Amélie Gressier, laquelle reprend sur son site mon propre texte. Les autres échanges de la série sont à lire sur les blogs de Caroline Diaz, Marie-Christine Grimard, Dominique Hasselmann, Dominique Autrou.

Vous avez un blog, vous avez un partenaire d’écriture ? Les contributions pour le numéro 3 de Va-et-vient seront publiées le vendredi 5 mai à 7 h, avec pour thème : « Le bus raté ». 

A vous lire 

J’ai entendu un bruit dans mon corps.

Quelque chose a cédé.

J’étais allongée dans mon lit, il était un peu tard, pas trop, j’allais m’endormir. C’était ce moment où l’on prend conscience que l’on sombre uniquement si un événement nous tire de cette torpeur, et alors il faut tout recommencer.

J’allais m’endormir, quand j’ai perçu quelque chose plus que je ne l’ai entendu. Disons que ça a dû résonner dans mes entrailles ou ailleurs, car c’était si furtif que je n’ai pas su dire d’où ça venait.

Ensuite, plus rien. Ni gêne, ni douleur. Juste la sensation que quelque chose s’était déplacé. Ou plutôt, avait cédé, comme un barrage. Je me suis demandé ce que c’était. 

Qu’est-ce qui peut lâcher ainsi, aussi nettement ?

La volonté ? La patience ?

Je me suis endormie pour de bon quelques minutes après.

Je verrais bien.

Depuis, j’attends.

Elle entendit un bruit dans son corps. 

Quelque chose avait cédé.

Elle était allongée dans son lit, il était un peu tard, pas trop, elle allait s’endormir quand elle fut tirée de cette torpeur. Il lui faudrait tout recommencer.

Elle allait s’endormir lorsqu’elle perçut quelque chose, plus qu’elle ne l’entendit. Comme une résonance dans ses entrailles ou ailleurs, car le son avait été si furtif qu’elle n’avait pas su dire d’où il venait. 

Ensuite, elle ne sentit plus rien. Ni gêne, ni douleur. Juste la sensation que quelque chose s’était déplacé. Ou plutôt, avait cédé. Elle se demanda ce que c’était, avant de s’endormir, quelques minutes après, pensant à sa volonté peut-être, ou sa patience. Comme un barrage poussé par la force de l’eau. 

Le lendemain, elle se dit qu’elle verrait bien.

L’attente commença.

Elle n’avait aucune idée de ce qui allait lui tomber dessus. Elle continua de vivre sa vie, chaque jour normalement, laisser infuser le thé deux minutes au petit-déjeuner, saluer le marchand de journaux en bas de son immeuble, préférer l’escalier à l’ascenseur, acheter une baguette bien cuite, regarder un film ou une série, prendre une douche trop longue, mettre de la crème sur ses mains avant d’éteindre sa lampe de chevet. Recommencer.

Dans quelques temps, ce rempart qui avait cédé se manifesterait autrement. Mais elle ne ferait jamais le lien avec ce qu’elle avait expérimenté un soir.

Ce drôle d’effet avait été produit par une occasion perdue. Ce son, ce mouvement incontrôlé, c’était celui des regrets qui n’allaient pas tarder à arriver, l’expression physique du “j’aurais dû”, quand il est si fort qu’il dépasse le simple canal de la pensée et celui de la parole.

Et quand ces regrets auraient trouvé leur chemin, de ses entrailles jusqu’à son esprit, ils s’exprimeraient avec autant de force qu’ils l’avaient fait dans son corps. Elle réaliserait alors que cette occasion perdue la poursuivrait toute sa vie. Un formidable acte manqué parmi tant d’autres, insignifiants, mais qui ajouteraient à la tristesse l’amertume qui la changerait peu à peu en mélancolie.

Autrice : Amélie Gressier
Photo : © Marlen Sauvage 2014

19 commentaires sur “« Va-et-vient » n°2, Ce drôle d’effet, par Amélie Gressier

  1. Il paraît que, pour se prémunir d’un océan tempétueux, une digue poreuse est plus efficace que la même en dur. Sans vouloir faire de comparaison ridicule, il est difficile de s’empêcher d’y chercher une aide bienvenue, mais comment s’y prendre… ):

  2. Lacan, qui ne disait pas que des bêtises associait le fait de ne pas arriver à dormir à quelque chose que l’on ne comprenait pas dans notre vie. Cette résonance qui chemine peu à peu vers la mélancolie me plaît bien.

    1. C’est un autre point de vue (:
      De mon côté, acte manqué car quelque chose n’a pas eu lieu…
      Mais j’aime que chacun puisse se faire sa propre interprétation !
      Merci Brigitte !

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