
« Avec l’âge vient la solitude. On perd des amis, des proches, et le voyage vers l’intériorité qu’impose le vieillissement confronte à une solitude ontologique. Il faut la différencier de l’isolement, qui est un poison à combattre à tout prix, car, dit-on, une personne isolée a deux fois plus de risques de perdre son autonomie. Une personne est isolée lorsqu’elle n’a personne autour d’elle avec qui elle peut partager ce qu’elle vit, pense, éprouve.
En revanche, il peut y avoir une « bonne solitude », une solitude assumée sinon choisie, lorsque l’on est devenu un bon compagnon pour soi-même, lorsque l’on a une vie intérieure riche. « A nous de faire en sorte que l’on ait plaisir à nous entendre, nous rencontrer, à communiquer avec nous. Adoucissons-nous ! », ai-je un jour entendu lors d’un groupe de parole consacré à la solitude. Cette solitude-là, qui est « joie, légèreté, fraîcheur » est ontologique, car elle n’est possible que si l’on a contacté son « noyau d’être ». Si on peut « habiter avec soi », si l’on a un jardin intérieur.
Cela implique d’être en paix avec soi-même, avec sa vie, avec les autres, de relire sa vie, de défaire les nœuds, de revisiter son histoire. Il y a donc tout un travail d’allègement à effectuer. Les vieilles personnes qui se sentent légères, au lieu de s’enfermer sur elles-mêmes, nous donnent le sentiment d’être ouvertes, curieuses d’esprit, disponibles et bienveillantes. Leur solitude n’est pas un poids pour les autres. Elles ne cherchent pas à la combler. »
L’aventure de vieillir, Marie de Hennezel, Editions Robert Laffont, 2022.