Le mot qui mérite question, par Monique Fraissinet

© Marlen Sauvage 2021– Saint-Laurent-de-Trèves (Cans-et-Cévennes)

Texte issu du stage d’écriture à La Ronceraie, en Lozère, mai 2022. Autrice : Monique Fraissinet

Désobéir, par contradiction systématique, caractériel,  ne pas respecter l’autorité paternelle, prendre position et s’affirmer , désobéir par opposition,  ne pas être un mouton de Panurge qui franchira la falaise, mourra dans sa chute . Contrecarrer. Désobéissance civile nécessaire en donner les raisons et constater les aboutissements. Reconnaissance de la désobéissance civile en faire un livre à lire sans modération.

Cotylédon, ce mot fascinant par sa sonorité, ce mot qui ne ressemble à rien que je connaisse déjà. Je suis écolière. Ce mot rattaché aux seuls grains de haricots qui se développent, deux parties identiques qui se font face et qui disparaissent au fur et à mesure de leur croissance. Deux formes jumelles qui ne feront qu’une. Une tige, des feuilles et des haricots.

Quand je me séparais de lui, j’éprouvais une douce émotion, juste satisfaite d’avoir passé quelques heures de douceur près de lui et rien d’autre ne restera dans mon souvenir que le moment de la douce séparation. Un instant les yeux dans les yeux, sans mot dire, cet instant furtif, spontané quand on aime, instant ou tout est dit sans mot dire. Seule la douceur des gestes. 

Autrice : Monique Fraissinet

Une proposition élaborée à partir de La question quotidienne, de Claude Enuset. Marlen Sauvage

Le monologue  intérieur. Le soliloque

Maternité, un mot qui résonne comme la vie qui va en découler, les premiers battements du cœur de l’embryon. Des hommes en majorité ont voté. Ce matin la radio donne à entendre les résultats des votes du Parlement de l’Etat de l’Oklahoma qui a adopté une loi interdisant l’avortement dès la fécondation. Ce sont les hommes qui amorcent la vie future, avec un consentement ou pas, et c’est eux qui viennent ici par leurs bulletins s’exprimer majoritairement pour décider qu’il sera dorénavant impossible pour une femme de se faire avorter. Est-ce qu’ils se mettent à la place de celles qui vont supporter coûte que coûte ce qu’elles ne désirent pas. Ils craignent quoi ces hommes, que la justice divine leur tombe sur le coin du bec, il est vrai que dans cet immense pays le Président jure sur la Bible…. 

Ils ont voté en leur âme et conscience. Sitôt la loi votée, dans les rues des majorités de femmes approuvent, se réjouissent et soutiennent cette décision.

Convergeant vers le Parlement, d’autres femmes et hommes manifestent leur mécontentement, crient haut et fort des slogans faisant savoir que c’est à elles et elles seules qu’appartient le choix. 

Les médecins, les politiques s’en mêlent, il y a crime, passible de la prison et gare à vous Mesdames qui choisissaient de ne pas porter jusqu’au terme l’enfant conçu. Conçu quand ?comment ? voulu ? pas voulu ?

Vous représentantes, représentants et membres du Parlement qui brandissaient la menace de la prison, concevez-vous qu’un enfant puisse naître dans un climat propice quand il n’a pas été voulu ? Que faites-vous également de l’avortement thérapeutique ? 

Maternité, seule la femme. Vous faites abstraction du corps et de la vie des femmes embourbées qu’elles seront dans un tas de difficultés insurmontables pour diverses raisons et qui vont, en même temps, accumuler des souffrances indicibles et des traumatismes durables. C’est interdit parce que c’est mal ! J’y reviens ! C’est mal pourquoi ? C’est mal pour qui ? Pour vous toutes et tous qui craignaient pour le salut de votre âme !

La science et les consciences avaient fait bien des progrès, maintenant on régresse.

Hypocrisie, menace sur la santé des femmes qui n’auront pas d’autre alternative que de franchir le cap de l’avortement clandestin au risque de leur vie et de leur santé.

La maternité nous voulons la vivre selon notre choix. Nous sommes femmes, nous serons mères si nous le désirons.

Le fragment

A partir du mot et d’un thème en lien avec ce qui nous intéresse

Sacré – C’est une chose sacrée une famille. Une obligation sacrée. Devant Dieu.

Sacré, relève de la religion, 

Si l’on parle d’une chose sacrée pour la rattacher à une famille, cela me semble complètement en opposition, une chose c’est un objet qui ne peut avoir d’âme et la famille est composée d’âmes. Si l’objet est un icône religieux, l’objet a alors quelque chose de sacré. 

Obligation : La famille, une obligation sacrée. L’obligation, acte consenti ou pas mais en tout cas on ne peut s’y soustraire puisqu’il est obligation. Quand l’obligation se doit d’être sacrée, cela me rebute profondément, je veux que les bases de ma famille soient fondées et ancrées dans la liberté et n’ai aucunement besoin qu’elle soit consacrée devant Dieu. Mais pourquoi pas si la liberté est la règle.

Liberté et obligation sont antinomiques.

Fragment 2 – 

Théma – Les femmes actrices majeures de nos généalogies. page 29

1 – Les revendeuses à la toilette entrent partout ; elles vous apportent les étoffes, les dentelles, les bijoux de ceux qui veulent avoir de l’argent comptant pour payer leurs dettes….

Depuis quelques années c’était toujours  la même femme qui passait à la ferme, une revendeuse de petits riens et de tout. Une romanichelle, une caraque disait les femmes de ma maison. On ne la laisse pas entrer, on la reçoit dehors. On se méfie des mauvais sorts, des menus larcins et vols qu’elle pourrait commettre. Dans son grand panier d’osier qu’elle porte au bras, elle a amoncelé des rouleaux de dentelles, des petites boites rondes remplies d’aiguilles, des bobines de fil de toutes les couleurs, fil à coudre, fil à repriser, quelques patrons pour confectionner tabliers et autres robes.

2 – Le revendeur noir est installé devant le Monoprix. Il dépose sur le trottoir la grande valise contenant montres, colliers et bracelets. Il porte une casquette aux couleurs du Nigéria. Les passants le voient mais ils ne le regardent pas, ils passent, vite. 

Une voiture de police ralentit, s’arrête quelques mètres plus loin, il a juste le temps de refermer sa boutique de fortune et s’en va rapidement. 

3 – Paris, Métro Barbès-Rochechouart. Devant les grilles du rez-de-chaussée, près de l’entrée du cinéma du même nom, de nombreux revendeurs de cigarettes de contrebande et autres produits interpellent les passants. Les revendeurs à la sauvette se multiplient au fil des années. Qu’est-ce qui les oblige ? La misère peut-être, les gains faciles, leur situation précaire. Une descente de police et ils s’éparpillent aussi rapidement qu’un essaim de papillons dérangés dans leur quiétude.

Proposition

Fragments courts – 3 à 5 phrases courtes – créer des personnages

un moment précis de l’histoire – présenter le personnage dans un contexte et ce qui le meut.

Dans une histoire possible et une mise en situation.

1 – A pas feutrés, elle ne voulait pas être vue, elle s’avance vers la petite porte en bois qu’elle ouvre, se penche en avant et dépose son fardeau juste après avoir posé ses lèvres sur front, referme la porte,  actionne la sonnette et s’enfuit rapidement.

2 Elle l’entrevit lorsqu’il ouvrit la porte de la chambre. Il s’appuya de la main gauche sur le chambranle et porta sa main droite au-dessus de ses yeux pour se protéger du contre-jour et mieux l’apercevoir recroquevillée dans le lit. Il grogna quelques mots, s’avança d’un pas lourd, et claqua la porte derrière lui. Depuis le perron on entendit des cris.

3 – Il reste un moment assis à l’ombre du grand chêne, vêtu de haillons, un balluchon posé à ses pieds, lorsqu’il surprend un étrange spectacle de l’autre côté du ruisseau. Les oiseaux de l’été chantent au-dessus de lui. Il se lève, franchit la clôture qui le séparait du champ de navets déjà monté en graines, se dirigea vers la cour de la ferme. Du portail un homme l’observait.

4 – Il avance à pas cadencés le long des sillons, plongeant à intervalles réguliers sa main droite dans le seau qu’il porte sur son avant-bras gauche. D’un mouvement circulaire il jette et éparpille les graines sur la terre noire fraîchement labourée. Quelques oiseaux le suivent. Régulièrement il crie pour les effaroucher. 

5 – Une sirène hurlante annonce l’arrivée de l’ascenseur. Il se précipite pour entrer le premier, en finir avec ces journées passées dans les entrailles de la terre. Il s’appuie contre la grille, la musette accrochée à l’épaule gauche. Seul le blanc de ses yeux se démarque sur son visage noirci. Rapidement il est rejoint par six de ses camarades. La porte se ferme dans un vacarme de ferraille. Ils disparaissent ensemble.

6 –  Un chien errant s’approche de son visage, le contourna, il tente de le repousser de la main droite, sa seule main valide, l’autre tient encore le fusil qu’il n’a pas lâché. Mesure de défense ou de protection. Du sol il aperçoit les chenilles d’un char qui vient vers lui à vive allure. Un soubresaut. Il ne voit plus rien ses yeux se ferment, l’arme glisse de sa main.

7 – Deux apiculteurs reviennent du rucher vêtus de leur combinaison.Un enfant les voit et s’effraie. Viens-voir il y a deux hommes qui arrivent de l’espace !

Autrice : Monique Fraissinet

Un personnage, une histoire, par Monique Fraissinet

Textes issus du stage d’écriture à La Ronceraie, en Lozère, mai 2022. Autrice : Monique Fraissinet

1 – A pas feutrés, elle ne voulait pas être vue, elle s’avance vers la petite porte en bois qu’elle ouvre, se penche en avant et dépose son fardeau juste après avoir posé ses lèvres sur front, referme la porte,  actionne la sonnette et s’enfuit rapidement.

2 Elle l’entrevit lorsqu’il ouvrit la porte de la chambre. Il s’appuya de la main gauche sur le chambranle et porta sa main droite au-dessus de ses yeux pour se protéger du contre-jour et mieux l’apercevoir recroquevillée dans le lit. Il grogna quelques mots, s’avança d’un pas lourd, et claqua la porte derrière lui. Depuis le perron on entendit des cris.

3 – Il reste un moment assis à l’ombre du grand chêne, vêtu de haillons, un balluchon posé à ses pieds, lorsqu’il surprend un étrange spectacle de l’autre côté du ruisseau. Les oiseaux de l’été chantent au-dessus de lui. Il se lève, franchit la clôture qui le séparait du champ de navets déjà monté en graines, se dirigea vers la cour de la ferme. Du portail un homme l’observait.

4 – Il avance à pas cadencés le long des sillons, plongeant à intervalles réguliers sa main droite dans le seau qu’il porte sur son avant-bras gauche. D’un mouvement circulaire il jette et éparpille les graines sur la terre noire fraîchement labourée. Quelques oiseaux le suivent. Régulièrement il crie pour les effaroucher. 

5 – Une sirène hurlante annonce l’arrivée de l’ascenseur. Il se précipite pour entrer le premier, en finir avec ces journées passées dans les entrailles de la terre. Il s’appuie contre la grille, la musette accrochée à l’épaule gauche. Seul le blanc de ses yeux se démarque sur son visage noirci. Rapidement il est rejoint par six de ses camarades. La porte se ferme dans un vacarme de ferraille. Ils disparaissent ensemble.

6 –  Un chien errant s’approche de son visage, le contourna, il tente de le repousser de la main droite, sa seule main valide, l’autre tient encore le fusil qu’il n’a pas lâché. Mesure de défense ou de protection. Du sol il aperçoit les chenilles d’un char qui vient vers lui à vive allure. Un soubresaut. Il ne voit plus rien ses yeux se ferment, l’arme glisse de sa main.

7 – Deux apiculteurs reviennent du rucher vêtus de leur combinaison.Un enfant les voit et s’effraie. Viens-voir il y a deux hommes qui arrivent de l’espace !

Autrice : Monique Fraissinet

Un mot, un fragment, par Monique Fraissinet

© Marlen Sauvage 2021– Saint-Laurent-de-Trèves (Cans-et-Cévennes)

Textes issus du stage d’écriture à La Ronceraie, en Lozère, mai 2022. Autrice : Monique Fraissinet

Sacré – C’est une chose sacrée une famille. Une obligation sacrée. Devant Dieu.

Sacré, relève de la religion, 

Si l’on parle d’une chose sacrée pour la rattacher à une famille, cela me semble complètement en opposition, une chose c’est un objet qui ne peut avoir d’âme et la famille est composée d’âmes. Si l’objet est un icône religieux, l’objet a alors quelque chose de sacré. 

Obligation : La famille, une obligation sacrée. L’obligation, acte consenti ou pas mais en tout cas on ne peut s’y soustraire puisqu’il est obligation. Quand l’obligation se doit d’être sacrée, cela me rebute profondément, je veux que les bases de ma famille soient fondées et ancrées dans la liberté et n’ai aucunement besoin qu’elle soit consacrée devant Dieu. Mais pourquoi pas si la liberté est la règle.

Liberté et obligation sont antinomiques.

Les revendeuses à la toilette entrent partout ; elles vous apportent les étoffes, les dentelles, les bijoux de ceux qui veulent avoir de l’argent comptant pour payer leurs dettes….

Depuis quelques années c’était toujours  la même femme qui passait à la ferme, une revendeuse de petits riens et de tout. Une romanichelle, une caraque disait les femmes de ma maison. On ne la laisse pas entrer, on la reçoit dehors. On se méfie des mauvais sorts, des menus larcins et vols qu’elle pourrait commettre. Dans son grand panier d’osier qu’elle porte au bras, elle a amoncelé des rouleaux de dentelles, des petites boites rondes remplies d’aiguilles, des bobines de fil de toutes les couleurs, fil à coudre, fil à repriser, quelques patrons pour confectionner tabliers et autres robes.

Le revendeur noir est installé devant le Monoprix. Il dépose sur le trottoir la grande valise contenant montres, colliers et bracelets. Il porte une casquette aux couleurs du Nigéria. Les passants le voient mais ils ne le regardent pas, ils passent, vite. 

Une voiture de police ralentit, s’arrête quelques mètres plus loin, il a juste le temps de refermer sa boutique de fortune et s’en va rapidement. 

Paris, Métro Barbès-Rochechouart. Devant les grilles du rez-de-chaussée, près de l’entrée du cinéma du même nom, de nombreux revendeurs de cigarettes de contrebande et autres produits interpellent les passants. Les revendeurs à la sauvette se multiplient au fil des années. Qu’est-ce qui les oblige ? La misère peut-être, les gains faciles, leur situation précaire. Une descente de police et ils s’éparpillent aussi rapidement qu’un essaim de papillons dérangés dans leur quiétude.

Autrice : Monique Fraissinet

Hier, aujourd’hui, demain, par Monique Fraissinet

© Marlen Sauvage 2021– Saint-Laurent-de-Trèves (Cans-et-Cévennes)

Hier j’ai repris la lecture de La place de Annie Ernaux, ma mémoire avait oublié.

Aujourd’hui j’ai écrit sur le verbe « mentir »

Demain ce sera une aquarelle sur les reflets et les ombres dans un paysage

Hier j’ai lu les premières pages sur l’histoire des chasseurs-cueilleurs, il y a si longtemps à donner le vertige

Aujourd’hui j’ai imaginé un été plein de soleil et d’écriture

Demain j’écouterai une musique de Mozart, un heure au moins

Hier j’avais pris la résolution de me laisser du temps pour lire et écrire sans y parvenir.

Aujourd’hui je n’ai vu que du bleu dans le ciel et seul un rapace

Demain je reprendrai le carnet de mes recherches aux archives

Hier j’ai vu une vipère très vive ramper et onduler entre les herbes, c’est la première de l’année.

Aujourd’hui j’ai pensé aux diligences qui s’arrêtaient et aux chevaux qui se reposaient sur l’aire de la maison de Nausicaa, c’était il y a longtemps.

Demain, allongée dans l’herbe, je goûterai à la tiédeur de l’herbe juste après le coucher du soleil 

Hier, aujourd’hui et demain je penserai à lui.

Autrice : Monique Fraissinet

Texte issu du stage d’écriture à La Ronceraie, en Lozère, mai 2022. Sur une proposition élaborée à partir d’un texte de Tristan Mat, Le journal de la phrase . Marlen Sauvage

Maternité, seule la femme, par Monique Fraissinet

© Marlen Sauvage 2021– Saint-Laurent-de-Trèves (Cans-et-Cévennes)

Texte issu du stage d’écriture à La Ronceraie, en Lozère, mai 2022. Autrice : Monique Fraissinet

Maternité, un mot qui résonne comme la vie qui va en découler, les premiers battements du cœur de l’embryon. Des hommes en majorité ont voté. Ce matin la radio donne à entendre les résultats des votes du Parlement de l’Etat de l’Oklahoma qui a adopté une loi interdisant l’avortement dès la fécondation. Ce sont les hommes qui amorcent la vie future, avec un consentement ou pas, et c’est eux qui viennent ici par leurs bulletins s’exprimer majoritairement pour décider qu’il sera dorénavant impossible pour une femme de se faire avorter. Est-ce qu’ils se mettent à la place de celles qui vont supporter coûte que coûte ce qu’elles ne désirent pas. Ils craignent quoi ces hommes, que la justice divine leur tombe sur le coin du bec, il est vrai que dans cet immense pays le Président jure sur la Bible…. 

Ils ont voté en leur âme et conscience. Sitôt la loi votée, dans les rues des majorités de femmes approuvent, se réjouissent et soutiennent cette décision.

Convergeant vers le Parlement, d’autres femmes et hommes manifestent leur mécontentement, crient haut et fort des slogans faisant savoir que c’est à elles et elles seules qu’appartient le choix. 

Les médecins, les politiques s’en mêlent, il y a crime, passible de la prison et gare à vous Mesdames qui choisissaient de ne pas porter jusqu’au terme l’enfant conçu. Conçu quand ? comment ? voulu ? pas voulu ?

Vous représentantes, représentants et membres du Parlement qui brandissez la menace de la prison, concevez-vous qu’un enfant puisse naître dans un climat propice quand il n’a pas été voulu ? Que faites-vous également de l’avortement thérapeutique ? 

Maternité, seule la femme. Vous faites abstraction du corps et de la vie des femmes embourbées qu’elles seront dans un tas de difficultés insurmontables pour diverses raisons et qui vont, en même temps, accumuler des souffrances indicibles et des traumatismes durables. C’est interdit parce que c’est mal ! J’y reviens ! C’est mal pourquoi ? C’est mal pour qui ? Pour vous toutes et tous qui craignaient pour le salut de votre âme !

La science et les consciences avaient fait bien des progrès, maintenant on régresse.

Hypocrisie, menace sur la santé des femmes qui n’auront pas d’autre alternative que de franchir le cap de l’avortement clandestin au risque de leur vie et de leur santé.

La maternité nous voulons la vivre selon notre choix. Nous sommes femmes, nous serons mères si nous le désirons.

Autrice : Monique Fraissinet

Mentez !, par Monique Fraissinet

© Marlen Sauvage 2021– Saint-Laurent-de-Trèves (Cans-et-Cévennes)

Mentez, conjuguez à chaque instant pour en faire un mot qui arrange, un mot qui soulage, un mot pour soi ou pour le bien des autres
Mentez, ne vous cachez pas derrière les péchés capitaux, gardez pour vous les péchés capiteux, doux et suaves qui vous rempliront de bonheur
Mentez pour ne pas dénoncer l’étranger au risque de sa vie
Mentez pour soulager l’enfant, celle ou celui qui souffre
Ne mentez pas comme on respire ni par hypocrisie, non ce n’est pas cela
Mentez en biaisant gentiment non pas pour tromper l’autre mais pour lui faire entendre ce qu’il veut entendre, pour lui faire plaisir, il vous renverra un éclair de satisfaction
Mentez par omission, pour que le silence soit source d’apaisement
Mentez pour diluer et être positif
Mentir une arme pour mieux vivre.

Autrice : Monique Fraissinet

Texte issu du stage d’écriture à La Ronceraie, en Lozère, mai 2022.

Petits bonheurs (214)

© Monique Fraissinet

« Un bouquet de mon jardin, aux couleurs de l’Ukraine, c’est tout de suite ce que j’ai pensé en voyant les deux magnifiques couleurs qui illuminent. Il y a seulement quelques mois nous ignorions leur drapeau, et maintenant derrière il y a leurs souffrances et leur capacité à résister. »

Merci Monique !

Petits bonheurs (212)

© Monique Fraissinet – Coucher de soleil à Villeneuve-d’Asq mars 2022

Que le soleil est beau quand tout frais il se lève,
Comme une explosion nous lançant son bonjour !
– Bienheureux celui-là qui peut avec amour
Saluer son coucher plus glorieux qu’un rêve !

Je me souviens ! J’ai vu tout, fleur, source, sillon,
Se pâmer sous son œil comme un cœur qui palpite…
– Courons vers l’horizon, il est tard, courons vite,
Pour attraper au moins un oblique rayon !

Charles Baudelaire

Un petit bonheur suggéré par Monique Fraissinet, merci à toi ! MS

Un atelier avec Claude Simon, un texte de Monique F.

© Marlen Sauvage 2016

L’artisan n’avait pas de fil à plomb, pour preuve, le mur dans la cuisine, en entrant à droite n’a rien de rectiligne, vers le bas il est gonflé comme une éponge, est-ce pour sa solidité qu’il a été construit plus large à la base ? Il est plus étroit sur la hauteur jusqu’au plafond, les pierres ont été recouvertes de plâtre mal lissé sur lequel on peut imaginer le contour de l’Afrique, la tête d’un bœuf et dans un petit recoin caché lorsque l’on laisse la porte fermée, des initiales tracées au charbon de bois, un peu comme un dessin rupestre, personne ne les a effacées, elles sont là depuis longtemps, la peinture qui recouvre ce mur est toujours la même depuis cinq décennies, elle est bleue, d’un bleu sali par la fumée de l’âtre, si bien que les multiples calendriers des P.T.T., accrochés y ont laissé leur empreinte rectangulaire, la poussière s’est logée sur les replis de la peau de ce mur, poussière qui n’a jamais été enlevée sauf par les manteau et veste suspendus à la seule patère de bois vieilli et vermoulu ; la lumière du jour entrait peu dans cette pièce et ces vêtements donnaient l’illusion de quelqu’un tapi contre le mur, la table et les chaises étaient les seuls éléments mobiles de cette pièce, deux placards avaient été creusés dans l’épaisseur des murs, leurs portes avaient été ajustées selon la courbure du mur, ils fermaient correctement, la peinture du pourtour des serrures de ces portes a disparu, usée par les années, dans l’un les provisions d’épicerie, pâtes, sucre, farine, sel, une boîte métallique qui fut rouge et qui aujourd’hui est criblée de tâches de rouille, pas de chocolat, en ces temps si durs, il est réservé pour les étrennes au jour de l’an ou pour Noël, il n’y avait pas non plus de boîtes de tomates, de lentilles ou d’épinards, le jardin potager permettant de faire des conserves dans des bocaux de verre, le pain cuit dans le four banal du hameau est conservé dans un sac de toile de lin grisâtre laissant apparaître la forme arrondie de la miche qui n’a pas été entamée, elle le sera juste après que la maîtresse de maison ait fait le signe de croix au-dessus de la croûte dorée, un pot en terre cuite contient la graisse de porc nécessaire aux assaisonnements des plats, dans l’autre placard, le plus à gauche à côté de la fenêtre donnant sur la cour intérieure, la tome des fromages de chèvre s’écoulait des faisselles, une odeur aigre de petit lait s’en échappait.

Par souci d’économie il ne fallait pas allumer la lampe avant que la nuit noircisse la pièce, c’est alors qu’en entrant on distinguait tout juste une silhouette, quelqu’un d’assis devant l’âtre flambant à peine, ce qu’il restait des nuances claires des murs ne permettait pas d’identifier précisément la vie domestique dans cette maison. La petite fille entrait sur la pointe des pieds, évitant d’attirer vers elle les regards de ceux qui seraient là, et pourtant elle ne pouvait s’empêcher de craindre que quelqu’un s’échappe de derrière ces vêtements suspendus à la patère de bois, elle se souvient qu’un jour, à l’aide d’un charbon de bois tiré de l’âtre, elle a écrit ses initiales sur le mur du côté droit du chambranle de la porte d’entrée, témoin de l’année où elle était entrée à l’école communale, elle pensait même que c’était joli puisque personne ne les avait effacées, les poussières invisibles à l’œil nu dégagées par le feu de cheminée s’étaient déposées depuis des années sur le plâtre mal lissé du mur, elles y restaient collées et personne n’en faisait cas, ce n’était pas l’essentiel.

La journée de travail finie, chacun rentrait et prenait place autour de la table, le repas se prenait en silence dans une ambiance quasi monacale. La petite fille occupait ses yeux à déchiffrer, sur le mur en face d’elle, le contour de l’Afrique, la tête de bœuf, ça l’amusait, elle recommençait de même à chaque repas, ainsi elle parvenait mieux à supporter ces longs silences et les bruits de bouche.

Il n’y avait pas de livres, pas d’argent pour en acheter, Léonie, dès qu’elle pouvait sortir de table, se mettait à feuilleter les calendriers des P.T.T., elle connaissait par cœur les dates des foires à Florac, elle annonait les noms des Saints, cherchait à trouver celui qui portait le prénom de son père ou de sa mère, elle retenait ces dates de fêtes à souhaiter, elle aimait particulièrement la carte verte de la Lozère imprimée sur deux feuillets au centre du calendrier, elle connaissait parfaitement les noms des villes, bourgs et hameaux du département, la superficie et le nombre d’habitants, au fil des mois, la mère notait les kilos de fromage de chèvre ainsi que le nombre des chevreaux vendus, sur la ligne d’un jour des mois de janvier ou février, selon les années, le père avait inscrit le poids des deux cochons tués, il pouvait ainsi comparer avec les années précédentes, la dernière page de chaque calendrier n’était pas imprimée, elle servait de mémento, la date d’une crue importante, une adresse, le résultat du scrutin d’une élection municipale, pour ne pas oublier et en reparler dès que l’occasion se présentera, parce qu’il se présente toujours des occasions pour en reparler, au bout de quelques années la ficelle qui permettait de suspendre ces calendriers se cassait, on la remplaçait parce qu’il ne fallait pas jeter, ces calendriers étaient les archives, témoins des années passées, témoins de leur emplacement sur ce même mur par la trace rectangulaire de peinture bleu-clair qu’ils laissent derrière eux.

Autrice : Monique Fraissinet