
Vous voulez savoir où j’ai grandi ? Ça vous intéresse vraiment ? Bon, allons-y alors. Imaginez d’abord une grande place surplombant la ville, sur la place un marché, un grand marché ! Des légumes, des fleurs, des fruits, du poisson. Ça crie, ça bouge, ça chante, ça s’engueule parfois. Ecoutez les partisanes, les femmes du marché ! Vous pourriez reconnaître les voix bien fermes de ma mère, de mes tantes, de mes grands-mères… Car chez nous, les femmes sont fortes ! Vous pouvez ensuite discrètement quitter la place, une petite rue transversale vous fait pénétrer dans le quartier populaire où je vis. Des trottoirs étroits, la place au milieu pour une charrette, des immeubles de trois étages de chaque côté. On habite là depuis trois générations, on y vit bien, mon grand père possède d’ailleurs deux des immeubles ! Ça va vous étonner, mais dans cette ville immense où béton et ciment semblent régner totalement, derrière les immeubles, comme cachés, on trouve de grands jardins. Vous, évidemment, vous ne pouvez pas les voir, mais moi je les ai vus, j’y ai joué, couru… la campagne en centre-ville, des légumes, des fruits, de l’herbe aussi, des arbres qui font le bonheur des hirondelles et parfois même des mouettes.
Si vous suivez cette rue, puis encore la rue qui suit, perpendiculaire, vous trouvez une autre grande place, bien plus paisible. Des jeux d’enfants, des promenades et des bancs pour les adultes, des kiosques à journaux ou encore en été, des vendeurs de boissons fraîches. Vous tomberiez facilement sur mes parents si vous les connaissiez. En fin d’après-midi, assis sur un banc, ils retrouvent leurs voisins, échangent les nouvelles, profitent de l’animation et de l’ombre des grands platanes. Je ne manque pas de les embrasser quand je les trouve là. Bon, ceci dit, si vous aimez les villes bien propres sur elles, bien paisibles, rangées… arrêtez-vous là, vous n’êtes pas au bon endroit ! Moi je veux continuer bien sûr, c’est ma ville.
Vous voulez continuer ? On y va ! On descend maintenant cette grande rue populaire, il vaut mieux rester sur le trottoir, la chaussée peut être dangereuse… Ensuite ? Arrivés en bas, je vous laisse découvrir la cathédrale, à votre droite, moi je l’aime bien, elle fait partie de la famille, mes grands-parents s’y sont mariés. Ensuite ? Si vous le souhaitez, je vous laisse vous immerger dans cette foule bruyante, colorée, le plus souvent pacifique et joyeuse, amicale. Mais il faut que je vous laisse, j’ai à faire. Descendez tout droit, sans vous presser. Vous arriverez de toute façon à la mer. Vous trouverez maintenant votre chemin tout seul, et vous n’avez pas besoin de moi pour admirer…
Auteur : Guy Castelly
Comme thème de stage, j’avais proposé « Le mouvement ». Et sans entrer dans le détail des propositions, le mouvement s’appliquait aussi bien aux situations qu’aux personnages, à leurs discours ou encore à la « technique » d’écriture.
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