De quand datent ces notes-ci ?
Lecture
Une lecture en pleine nature, enfin, dans un village perché dans la montagne. Deux femmes auteurs lisent tour à tour et racontent leur livre. Le public compte vingt-cinq personnes attentives. C’est au moment du pot de l’amitié que je le reconnais. Je l’ai lu, j’ai lu ses poèmes, je le lui dis. Il me semble que sa peau claire de blond rosit. Son regard bleu brille et transperce le mien. [L’impression était qu’il regardait à travers moi, de ce genre de regard tellement limpide que cette limpidité vous trouble] Je suis encore dans l’émotion de cette rencontre où je lis sur ses lèvres les paroles qu’il chante. Car je l’entends chanter, sa voix me chante la poésie qu’il n’écrit que dans une réponse à ce qui s’impose, les difficultés à publier, se faire publier, à poursuivre l’aventure d’une maison d’édition commencée dix ans plus tôt et qui s’épuise maintenant. Sa voix me chante son envie de partir, de laisser derrière lui tout et le reste, pour… pour… Son regard questionne, enfin, c’est cela que j’éprouve, la question de son regard bleu, et je lui souffle une réponse possible, la nécessité de la rupture peut-être pour créer autre chose, pour se fragiliser, se retrouver. Peut-être. Oui, c’est cela. De nouveau, la voix, le regard lumineux que brouillent les longs cils, et la certitude que de la poésie couve sous cette indécision.
[Le poète en question est Cédric Demangeot.]