Carnet d’écrivain #5

Mon support pendant 40 jours : le livre de François Bon aux éditions du Tiers Livre, 40 exercices pour le carnet d’écrivain. Aujourd’hui pour cette cinquième proposition, quelques notations sur le ciel du jour. Celui d’hier, donc.

@ Marlen Sauvage 2019

Ciel de neige blanc de zinc strié de zébrures gris pâle dispersées au-dessus de la montagne de Vaux. On sait que par-dessous, la couche est bleu clair, elle perce en purs aplats par petites touches.

Bleu mais bleu ! Chargé de vent dans ses hauteurs pour être ainsi dégagé, et le vent fait battre les volets, arrache les câbles fixés aux murs, à la climatisation extérieure installée sur le toit de la maison voisine, un ciel d’été en hiver encore et le vent continue de secouer l’olivier de la place.

Par la fenêtre, un ciel nébuleux, une mousse blanche qui se déplace dans le bleu amorphe de l’instant d’avant.

Une trouée lumineuse, teintée de rose, éclaire une plaine bleue qu’envelopperont bientôt d’épaisses écharpes nuageuses encerclant cette oasis rayonnante.

Le rose peu à peu atténue la tristesse grise qui stagne au-dessus des toits. Le soleil quelque part derrière les maisons doit illuminer les montagnes qui surplombent l’Aygues et le pont roman, mais ici, dans la froidure vespérale, nous sommes prisonniers derrière nos fenêtres, de ses moutonnements.

A la nuit tombée, un noir qui n’est pas d’encre… quelques flocons en chute libre…

Effet Tonga

« L’Observatoire du Maïdo est à pied d’œuvre, alors que des particules fines provenant du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha’apai sont arrivées dans le ciel réunionnais après 12 000 km de voyage. S’il en résulte des couchers de soleil d’une grande beauté, le ciel virant au rouge en raison de la présence de ces particules de gaz dans l’atmosphère, les équipes scientifiques locales et américaines, arrivées le 21 janvier dernier dans le cadre de l’étude, profitent de cette occasion pour analyser de plus près le phénomène. »

Damien Chaillot, à lire ici dans Outremers 360°

Mon œil ! (10)

Commencé il y a quelques jours, le défi que lance #Karen Ward une ou deux fois par an pendant une dizaine de jours – #MyCuriousEyes. Il s’agit donc, sur un thème donné, d’ouvrir les yeux autour de soi et de publier une photo et une seule illustrant le thème. Plus de deux cents participants cette année. En léger différé donc, mes réponses à cette 6e saison… JOUR 10 avec une citation de Joseph Campbell comme déclencheur potentiel ! Et comme il s’agit de joie, nous avions droit à 2 photos !

Car mes deux sources de joie, ce jour-là, furent de jouir du présent (comme tous les jours, je dois dire) et d’admirer le ciel du soir de retour d’une virée à Gordes, joli village perché, dans le Vaucluse.

Texte et photos : Marlen Sauvage

Construire une ville… – ciels, ma ville !

(Pour toi, Pierrot, en ce jour anniversaire !)

Ailleurs, d’autres morts prenaient le soleil dès son lever dans un panorama de montagnes échevelées, aux sommets agités de longues effilochées de stratus accrochant un lambeau de mousseline gris clair à une arête saillante, et souvent elle avait pensé en surplombant les tombes que ces morts-là avaient bien de la chance. On t’enterre et tu retournes au ciel. Elle préférait rester au creux de la terre, dans sa fraîcheur matinale ou sa tiédeur des longues après-midi automnales. Son évidence à elle était de mourir là dans ces montagnes bleues et de reposer sous la beauté des ciels admirés pendant des années. Le ciel blanc de zinc de l’hiver froid qui arrachait des clignements d’œil et des larmes quand elle roulait dans le fond de la vallée ; la parure flamboyante qui se déployait lentement alors qu’elle guettait le jour dès l’aube sans sommeil ; la traîne blanche de la voie lactée dans la nuit impérieuse ponctuée des ululements de la chouette quand elle en scrutait les profondeurs pour la surprise d’une étoile filante, un vœu au bord des lèvres closes ; le tumulte houleux d’un ciel plein d’orage roulant ses nuages engoncés d’électricité, ourlés de gris ; le ciel rose filant à toute allure vers le bleu d’une pesanteur d’été, elle les avait tous bravés, les yeux écorchés, époustouflée devant tant d’arrogance à modeler un paysage, une pensée, un état d’âme. Et ce soir, enveloppée des psalmodies lointaines d’un muezzin noyées dans le bruit confus des mobylettes, des klaxons, des voix de la rue, sous la lune figée dans un halo blanchâtre, devinant les familles amassées sous les palmiers de la place du ribat, profitant comme elle de la brise enfin là, ce soir, allongée sur l’immense terrasse carrelée, froide, dans les néons verts et rouges de la pharmacie de nuit, alors que le vent se lève cette fois, réveille le linge étendu, emporte les sons d’un bout à l’autre de la ville, ce soir rendu à la nuit ne nourrissait plus d’évidence aucune. 

Texte et photos : Marlen Sauvage

Un texte écrit pour l’atelier d’été 2018 (Construire une ville avec des mots) de François Bon sur le tiers-livre. Pour chaque auteur(e), une page… et un oloé

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