Hors du temps

© Marlen Sauvage 2022 – Le Vallon du dragon, bambouseraie d’Anduze.

Anduze… On avait annoncé de la pluie, il est tombé quelques gouttes, et tout l’après-midi s’est déroulé sous le soleil. Il y avait dans le jardin aquatique les grenouilles et leur chant – des mâles appelant les femelles, entendait-on derrière nous – et au détour des allées la majesté du gingko biloba, le foisonnement des fougères arborescentes, la surprise des arbres aux mouchoirs, les immenses séquoias, sans parler bien sûr de la forêt de bambous, des spécimens verts, noirs, roses– et je pensais tout de suite à un tableau de Hans Hartung (voir la vidéo ci-dessous). Il y avait le Vallon du dragon dont je découvre que le projet a été porté en 2000 – année du dragon – par Erik Borja. Il y avait un atelier ludique pour découvrir le rôle des pollinisateurs : insectes, papillons et abeilles, où nous avons pu mesurer l’étendue de notre ignorance ! Il y avait une petite fille blonde, lutin agile de sept ans, bondissant sur le trampoline, escaladant à toute allure les structures de l’aire de jeux et dévalant à l’envers les toboggans… Il y avait de magnifiques azalées rouges… Trois heures de balade dans un lieu connu depuis belle lurette mais toujours aussi apaisant, serein, hors du temps.

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Peu de chose 

Marlen-Sauvage-Rochers

c’est peu de chose, les rochers en écailles de dragon qui dominent la vallée de Trabassac. on se croirait en Irlande quand les genêts s’en mêlent, en mai, comme des points lumineux qui agressent l’œil d’autant que le soleil les embrase et que leur jaune contraste étrangement avec le vert de l’herbe printanière.

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on s’y promène, on y emmène les amis, ils se couchent à même les rochers, les rochers, c’est chaud l’été sous le ventre. on y reste dans le vent qui souffle toujours un peu sur les hauteurs. on regarde au loin, vers les montagnes bleues, et vers la Méditerranée.

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en août, ils se couvrent de bruyère, on l’appelle callune ici, et c’est un tapis rose et violet qui court autour des rochers, sur la lande où broutent quatorze chevaux camarguais, blancs comme neige dans ce paysage de chaleur.

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c’est le lieu de la pensée, dans toute sa tristesse, quand on peut jeter au vent ce qui nous traverse.

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ils accrochent les nuages dans le grand matin, à toutes les saisons, les nuages s’effilochent sur leurs aspérités. et par temps de pluie, ils scintillent, même au soir qui tombe, ils brillent, c’est le schiste.

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on ne partage pas ces rochers, on les visite avec d’autres, mais ce qu’ils nous racontent, on le garde pour soi, la première trahison se terre là, dès l’instant qu’on a partagé ce qu’ils nous racontent.

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c’est un lieu qui vous parle et un lieu qui vous écoute. c’est un lieu rare.

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Ce n’est pas un lieu inaccessible ni impressionnant, c’est un lieu terriblement humain. Il y a de l’Irlande en ce coin de nature, du jaune, du vert, du bleu, il ne manque que la mer, mais au loin elle est là, il suffit de le savoir. Il y a des nuages comme ailleurs mais dramatiquement autres qu’ailleurs, car ils disent la déchirure, la rupture, la séparation. Il faut y venir, aux rochers. Seul, et les écouter.

Marlen-Sauvage-genet

Ecrit pour un atelier de François Bon, le temps d’un été. Texte et photos Marlen Sauvage Ce(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 4.0 International.