Stage d’écriture, Guy Castelly (4)

© Marlen Sauvage 2022

La vague

Le sable, peu à peu tiédi par le soleil naissant, le sable sous les pieds. Quelques pas en avant, la sensation – de façon surprenante, agréable – que l’on s’y enfonce avec douceur. Hésiter maintenant serait ridicule, oui, et inutile de surcroît ! Mais inutile pour qui et pour quoi ? Encore quelques pas, et le plaisir revient en mémoire des jeux de la plage, il y a semble t’il une éternité. Des jeux partagés si souvent avec son frère et sa petite sœur. 
Mais ne pas faiblir, devant lui, en lui, le chemin qu’il s’est tracé, encore quelques enjambées, après tout le plus dur est déjà fait ! Ne pas être l’homme qui renonce, être fort cette fois, cette fois pour toutes les autres fois ! Aller vers l’avant, vers cet avant si froid, mais libérateur…
Et brusquement, malgré lui, malgré tout, la vision de ses deux filles sur cette plage, l’écho si vivant de leurs rires, de leurs cris, de leur joie. Mais d’où surgit soudain cette joie là, qui l’atteint lui, ici et maintenant ?
Ironique et sentencieux, voilà que s’impose, ponctuel, le bourdonnement dans le ciel de l’Airbus matinal arrivant de Paris. Dans sa poche, le métal est froid, étranger, hostile.
Une faiblesse lourde tombe sur lui… puis un éclair, une volonté, dans l’instant.
Ensuite loin devant lui, dans l’écume blanche des vagues, la chute silencieuse et la disparition rapide de l’objet métallique.
Léger maintenant, en cet instant là  absolument léger, suivre des yeux le vol de l’avion vers les pistes, vers les hangars, refluer, reprendre son chemin.

Auteur : Guy Castelly

Comme thème de stage, j’avais proposé « Le mouvement ». Et sans entrer dans le détail des propositions, le mouvement s’appliquait aussi bien aux situations qu’aux personnages, à leurs discours ou encore à la « technique » d’écriture. 
MS

Stage d’écriture, Guy Castelly (3)

© Marlen Sauvage 2022

Arrêter les moteurs. Sauter hors de la carlingue, retrouver sous ses pieds le sol souple du tarmac.

Tentation forte d’en rester là, d’aller vers le prochain moteur, de rester dans la trace confortable de l’habitude, de ses compétences… Mais c’était trop tard, il s’en rendait compte maintenant, quelque chose en lui avait pris la décision, il lui fallait s’y soumettre. D’un pas qui se voulait léger, il traversa les pistes, salua au passage les collègues affairés et – lui sembla t’il – indifférents à sa présence. Comme d’habitude, il ne chercha pas de réponse à la question, tout cela était désormais derrière lui.

De fait, il s’éloignait, plus vite et plus aisément que prévu. 

Sorti de l’aéroport, il tourna le dos à la grande ville, pleine de vie, de bruits, d’émotion, pleine aussi des souvenirs de son enfance, de sa jeunesse, de cette vie qui avait été si pleinement la sienne, riche de bonheurs et de souffrance. Ne pas céder, avancer, hésiter maintenant serait absurde, et de plus, ridicule ! Crever l’abcès, en finir une fois pour toutes, radicalement, avec l’angoisse qui le ravageait depuis des mois. Pour lui, mais aussi pour ses filles, sa femme, ses parents, apporter enfin la solution, la libération. Avancer encore, alors ; marcher sans hâte et sans regrets. Le sable enfin sous les pieds, aspirer à pleins poumons l’air du large, la respiration iodée de l’étang-mer,  promener légèrement le regard sur cette nouvelle journée qu’annonçait le soleil. Un instant de paix, une courte immobilité…

La main dans la poche de sa veste, il sentait sous ses doigts le froid indifférent, étranger; implacable du métal. Comme en une salutation ironique, un avion passa bruyamment au-dessus de la plage, droit vers le tarmac, vers les pistes si bien connues. 

Le dernier geste serait facile. Le dernier mouvement.

Auteur : Guy Castelly

Comme thème de stage, j’avais proposé « Le mouvement ». Et sans entrer dans le détail des propositions, le mouvement s’appliquait aussi bien aux situations qu’aux personnages, à leurs discours ou encore à la « technique » d’écriture. 
MS

Stage d’écriture, Guy Castelly (2)

© Marlen Sauvage 2022

Encore une journée de travail. Encore une fois le trajet vers l’aéroport. La grande ville s’éveille à peine, on ne peut que deviner l’arrivée prochaine du soleil sur le port, seule la basilique là-haut étincelle déjà, la Bonne Mère surplombant de son sourire figé la mer, les collines, le réseau dense des rues, des boulevards, des places. Dans le bus, à sa place habituelle, Paul. Toujours le même, visage fatigué, mal rasé, veste jetée négligemment sur les épaules; mais l’œil pétillant, le regard acéré déjà…

« Adiéu, Léon, alara, coma  siam …? Ca va mieux pour toi, finalement ? » . Pas le temps de répondre bien sûr, avec Paul, tant mieux ! Pas l’envie non plus…

Le démarrage du bus, le défilement des rues, des silhouettes entr’aperçues, en route vers un futur insaisissable… Pas de place assise, debout, accroché au dossier du siège, vue brinquebalante sur les chevelures et les chapeaux des voyageurs assis, impression forte de solitude,  sentiment d’être différent, loin au-dessus du monde.

« Tu as déja le programme de ta journée ? » La phrase, rituelle, prend aujourd’hui un sens nouveau, se colore différemment. Paul ne se préoccupe d’ailleurs pas d’être compris, il n’attend pas vraiment de réponse, il parle, il en a besoin, son mégot vite éteint coincé entre ses lèvres, il tourne à peine le regard vers son collègue.

« Mais, sias las, benléu ? Tu as peut-être envie de t’asseoir, je te laisse la place ? » Non , pas envie de s’asseoir, se tourner plutôt vers l’arrière, voir s’éloigner les rues, les maisons, les quartiers reconnus, voir les passants rétrécir puis disparaître. 

Vu de l’extèrieur, un bus plein, traversant alternativement les ombres et les lumières de la ville dans cette journée qui va naître, un bus poursuivant sa route, des passagers assis, on devine à peine leurs présences…

Dans le fond du bus, un homme, debout, à côté et loin des autres, le regard fixé sur son passé, sur les souvenirs qui s’effacent.

Auteur : Guy Courbassier

Comme thème de stage, j’avais proposé « Le mouvement ». Et sans entrer dans le détail des propositions, le mouvement s’appliquait aussi bien aux situations qu’aux personnages, à leurs discours ou encore à la « technique » d’écriture. 
MS

Stage d’écriture, Guy Castelly (1)

© Marlen Sauvage 2022

Vous voulez savoir où j’ai grandi ? Ça vous intéresse vraiment ? Bon, allons-y alors. Imaginez d’abord une grande place surplombant la ville, sur la place un marché, un grand marché ! Des légumes, des fleurs, des fruits, du poisson. Ça crie, ça bouge, ça chante, ça s’engueule parfois. Ecoutez les partisanes, les femmes du marché ! Vous pourriez reconnaître les voix bien fermes de ma mère, de mes tantes, de mes grands-mères… Car chez nous, les femmes sont fortes ! Vous pouvez ensuite discrètement quitter la place, une petite rue transversale vous fait pénétrer dans le quartier populaire où je vis. Des trottoirs étroits, la place au milieu pour une charrette, des immeubles de trois étages de chaque côté. On habite là depuis trois générations, on y vit bien, mon grand père possède d’ailleurs deux des immeubles ! Ça va vous étonner, mais dans cette ville immense où béton et ciment semblent régner totalement, derrière les immeubles, comme cachés, on trouve de grands jardins. Vous, évidemment, vous ne pouvez pas les voir, mais moi je les ai vus, j’y ai joué, couru… la campagne en centre-ville, des légumes, des fruits, de l’herbe aussi, des arbres qui font le bonheur des hirondelles et parfois même des mouettes.

Si vous suivez cette rue, puis encore la rue qui suit, perpendiculaire, vous trouvez une autre grande place, bien plus paisible. Des jeux d’enfants, des promenades et des bancs pour les adultes, des kiosques à journaux ou encore en été, des vendeurs de boissons fraîches. Vous tomberiez facilement sur mes parents si vous les connaissiez. En fin d’après-midi, assis sur un banc, ils retrouvent leurs voisins, échangent les nouvelles, profitent de l’animation et de l’ombre des grands platanes. Je ne manque pas de les embrasser quand je les trouve là. Bon, ceci dit, si vous aimez les villes bien propres sur elles, bien paisibles, rangées… arrêtez-vous là, vous n’êtes pas au bon endroit ! Moi je veux continuer bien sûr, c’est ma ville. 

Vous voulez continuer ? On y va ! On descend maintenant cette grande rue populaire, il vaut mieux rester sur le trottoir, la chaussée peut être dangereuse… Ensuite ? Arrivés en bas, je vous laisse découvrir la cathédrale, à votre droite, moi je l’aime bien, elle fait partie de la famille, mes grands-parents s’y sont mariés. Ensuite ? Si vous le souhaitez, je vous laisse vous immerger dans cette foule bruyante, colorée, le plus souvent pacifique et joyeuse, amicale. Mais il faut que je vous laisse, j’ai à faire. Descendez tout droit, sans vous presser. Vous arriverez de toute façon à la mer. Vous trouverez maintenant votre chemin tout seul, et vous n’avez pas besoin de moi pour admirer…

Auteur : Guy Castelly

Comme thème de stage, j’avais proposé « Le mouvement ». Et sans entrer dans le détail des propositions, le mouvement s’appliquait aussi bien aux situations qu’aux personnages, à leurs discours ou encore à la « technique » d’écriture. 
MS

Un mot, une définition, par Guy Castelly

Photo © Marlen Sauvage 2021 – Saint-Laurent-de-Trèves (Cans-et-Cévennes)

Texte issu du stage d’écriture à La Ronceraie, en Lozère, mai 2022.

« Le rêve ne nous quitte pas au réveil. Il est la couleur qui va imprégner notre journée. Il nous surprend, alors que nous l’attendons. Nous le faison naitre, et il nous enfante. C’est quand nouss l’oublions qu’il est le plus fort en nous. Et pour cette raison, il nous enchante et nous effraie. »

Chroniques martiennes, Ray Bradbury.

Partager un rêve. Se réveiller, revenir dans ce qu’on nomme réalité, vouloir retrouver – ou devoir retrouver – le contrôle de soi, puis retourner par fragments au déroulement des images, des couleurs, des bruits si réels et si forts. Et dans la foulée avoir envie de raconter, de partager, pour se soulager du poids des émotions, pour se rassurer, ou bien pour ne pas oublier, pour que cette autre réalité reste vivante, frémissante, touchante. Prendre le risque alors  de la défaillance de la mémoire, de la trahison. Ces scènes si réelles, si persistantes, peuvent en fait alors, rétives, s’évader , disparaître par bribes. Ou même s’échapper totalement, définitivement. Il reste, avec l’être aimé, le partage souvent réconfortant du ressenti. Il reste au plus profond de nous, loin parfois de notre conscience, les graines de vécu, d’émotions passées ou à venir que le rêve a semées.

Auteur : Guy Castelly

Hier, aujourd’hui, par Guy Castelly

© Marlen Sauvage 2021– Saint-Laurent-de-Trèves (Cans-et-Cévennes)

Aujourd’hui j’ai volé les cerises aux oiseaux

Aujourd’hui j’ai fermé les confitures en pots

Aujourd’hui j’ai arrosé dans le jardin les fleurs

Aujourd’hui je suis tombé de l’échelle sans mal

Aujourd’hui j’ai eu très peur de vivre toujours seul

Aujourd’hui j’ai pleuré tous les chiens disparus

Aujourd’hui je suis allé parcourir les chemins

Aujourd’hui j’ai cru voir le soleil mourir dans le lointain

Aujourd’hui j’ai salué mon ancêtre enfin retrouvé

Aujourd’hui je suis allé décrocher mes étoiles perdues

Hier j’avais repeint les volets en bleu

Hier j’avais cru le printemps disparu

Hier j’avais pleuré les cerises tombées

Hier j’avais perdu le chemin des amis

Hier j’avais fermé le portail de l’entrée

Hier j’avais oublié le bonheur de chanter

Aujourd’hui j’ai trouvé le bonheur d’être là

Aujourd’hui j’ai trouvé le vrai plaisir des mots.

Auteur : Guy Castelly

Texte issu du stage d’écriture à La Ronceraie, en Lozère, mai 2022. Sur une proposition élaborée à partir d’un texte de Tristan Mat, Le journal de la phrase . Marlen Sauvage

A mes petites-filles, par Guy Castelly

© Marlen Sauvage 2021 – Saint-Laurent-de-Trèves (Cans-et-Cévennes)

Espère, petite-fille ! Espère longtemps, espère tous les jours ! Espère, néglige les pensées grises des adultes autour de toi ! Tous les jours, attends avec joie le lever du soleil, il se lève pour toi sur le monde. Tous les jours, sois confiante, les heures à venir seront riches, et tous les soirs espère en la nuit à venir, tes rêves seront beaux, à la hauteur de tes bonheurs… Espère toujours, quoi qu’il en soit.

Ton espoir construira le monde.

Le monde, ne le crains pas ! Ne le crains pas, même s’il te dérange, même si son avenir semble ne plus chanter, même si parfois le pire semble possible…

Ne le crains pas, puisque tu espères et espèreras ! Fais de ton espoir une arme pacifique, trouve en toi les couleurs du monde de demain, de TON monde ! Fais de ta confiance l’élixir de jouvence dont ce temps parfois si triste a besoin ! 

Espère en l’arc en ciel à venir, crée, avec tes amis d’aujourdhui et de demain le futur désirable ! Aime-le !

Espère ! N e crains pas ! 

Er de cet espoir, fais le terreau joyeux de ton présent, tous les jours !

Auteur : Guy Castelly

Texte issu du stage d’écriture à La Ronceraie, en Lozère, mai 2022.

Mots, par Guy Castelly

© Marlen Sauvage 2021 – Saint-Laurent-de-Trèves (Cans-et-Cévennes)

IDENTITE

Avoir une identité fait-il de moi un identitaire ? Je suis né quelque part… c’est délétère, docteur ?
Mon identité, diverse, riche, aux multiples facettes… j’ai décidé de la cultiver. Et dans cette richesse à la fois héritée, têtée à la naissance, découverte et construite au fil du temps, j’ai choisi :
je suis marseillais, occitan, méditerranéen ; je suis un amant, un père, un fils.
Et demain ? D’autres choix peut-être, d’autres richesses, d’autres identités…

COLERE

La colère est mauvaise conseillère, c’est ce qu’on dit parfois. Est-il pour autant conseillé de réfréner sa colère ? De ravaler ses chagrins, ses déceptions ? Et si en fait, cette colère – ces colères plutôt, car elles sont là, elles existent ! – il ne fallait surtout pas les garder en soi… ? Les cultiver, au risque à la fin de les choyer, jusqu’à ce qu’elles deviennent une nouvelle identité, jusqu’à ce qu’elles rancissent nos cœurs et nos pensées ?

 Accepter sa colère, la gérer, l’exprimer surtout, s’en débarasser !

PANTAIAR

« Pantaiar », rêver… en occitan, oui ! Surtout en occitan ! L’Occitanie, pays du rêve… Le rêve de refaire l’histoire. Un jour, la croisade française a échoué, un jour la civilisation du Sud a pu s’équilibrer, s’unifier, un jour la langue d’oc est restée vivante partout et pour tous au sud de la Loire.  Ouverte sur les autres et sur le monde. La nostalgie, « le pantaï », une envie véritable de refaire l’histoire ?

Ou un besoin vital de rêve, d’imagination, de création ? Elle nous empêche d’avancer….? Ou elle nous inspire ?

Auteur : Guy Castelly