« Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous », écrivait Paul Eluard. C’était le thème d’un atelier dans nos vallées cévenoles durant l’année qui se termine doucement. Ici, la réalité dépasse la fiction… Deux textes de Monique Fraissinet.
Le grand bâtiment aux formes très géométriques est habillé de fer rouillé. A l’intérieur, des bancs aux couleurs de rouille. Tous les visiteurs tournent autour de la grande salle éclairée par un soleil inhabituel. Les toiles vues à l’écran sont là, devant mes yeux. Freinée par l’incroyable impression qui naît de ce que je découvre, je reste longtemps devant chaque tableau. Un homme suit le même rythme, tantôt s’approchant, tantôt prenant du recul pour mieux voir. Nous nous regardons sans mot dire.
S’arrêter, s’asseoir sur le banc en face. Je m’y retrouve là, en même temps que l’homme au costume clair. Tous deux avons les yeux fixés sur l’immense toile au centre de la pièce. Ce noir est tellement lumineux. Incroyable, la lumière qui ressort de cette peinture. Je me surprends à parler tout haut. Lui, lève la main et me fait remarquer, là, vers la gauche du tableau, un reflet clair dans le noir. Nous sommes assis tous les deux côte à côte, depuis une bonne dizaine de minutes, scotchés devant tant de talent. La voix d’une femme annonce « Le musée va fermer, il est midi ». Je n’ai pas eu le temps de tout voir me dit-il. Nous échangeons encore quelques mots pour convenir qu’il nous faut revenir l’après-midi.
Un restaurant près du musée. Il est rentré en même temps que moi. Gentiment, il me propose de partager sa table.
La discussion déborde du noir de Pierre Soulages. Il me fait part de ses passions, je lui parle des miennes. Il me sert le plat principal qui fera de notre rencontre un moment très privilégié. Il est historien des moulins, moi, héritière d’un moulin. Et la roue tournera, encore et encore entre l’historien et la meunière, chacun apportant de l’eau au moulin de l’autre.
Texte : Monique Fraissinet « Rencontre avec Pierre Soulages et l’historien des moulins »
Photo : Marlen Sauvage – Au moulin de Grattegals (celui de l’histoire !)
Ci-dessous, une autre version de cette histoire…
Le grand bâtiment aux formes très géométriques est habillé de fer rouillé. Aller voir le noir au musée Pierre Soulages. A l’intérieur, des bancs aux couleurs de rouille. Tous les visiteurs tournent autour de la grande salle éclairée par un soleil inhabituel. Les toiles noires, noires et blanches sont là, devant mes yeux. Freinée par l’incroyable impression qui nait de ce que je découvre, je reste longtemps devant chaque tableau. Un homme suit le même rythme, tantôt s’approchant, tantôt prenant du recul pour mieux voir. Nous nous regardons sans mot dire, sans maudire, alors que chacun de nous, laisse voir une réelle satisfaction de découverte dans ces œuvres.
S’arrêter, s’asseoir sur le banc en face. Je m’y retrouve là, en même temps que l’homme au costume clair. Tous deux avons les yeux fixés sur l’immense toile au centre de la pièce. Ce noir est tellement lumineux. Incroyable la lumière qui ressort de cette peinture. Je me surprend à parler tout haut. Lui, lève la main et me fait remarquer, là, vers la gauche du tableau, un reflet clair dans le noir. Nous sommes assis tous les deux côte à côte, depuis une bonne dizaine de minutes, scotchés devant tant de talent. La voix d’une femme annonce « Le musée va fermer, il est midi ». Je n’ai pas eu le temps de tout voir me dit-il. Nous échangeons encore quelques mots pour en convenir qu’il nous faut revenir l’après-midi. Un restaurant près du musée. Il est rentré en même temps que moi. Gentiment il me propose de partager sa table.
Partager la table de l’inconnu du musée qui, comme moi, aime les œuvres de Pierre Soulages. Je me demande si j’ai bien fait d’accepter, je me sens gauche en face de lui. Quelques secondes de silence entre nous me troublent. On nous a installés à la terrasse, sous la véranda, face au musée. Premier sujet de conversation : oser l’architecture moderne dans ce quartier chargé d’histoire. Il en connaît un rayon. Il me demande si je viens de loin. De Lozère, à côté de Florac. Lui, encore l’inconnu, habite en Aveyron, quand son travail ne le retient pas à Paris. Il me dit arpenter la France et l’Europe pour aller à la rencontre de moulins à vent, à eau, en état de fonctionner ou pas, en rénovation, en ruine. Aller chercher dans leurs entrailles la vie de meuniers disparus et ceux qui y croient encore. De tout ça, il en fait des livres. Il en a publié une bonne dizaine. Je n’y crois pas. L’atmosphère, est plus détendue. Autour des ses propos, l’inconnu devient un familier, quelqu’un issu de ma famille de meuniers, qui eux, depuis sept générations ont fait tourner les meules du moulin de Grattegals. Je lui en fais part. Spontanément, au travers de la table, il me tend la main. Bienvenue, ma chère Dame au pays des amis des moulins. Entre nous, il n’y a plus eu de silences, les échanges fusaient d’un côté comme de l’autre. A peine avait-il fini d’évoquer un moulin, je rebondissais sur un souvenir vécu dans le mien. Le soir sur son invitation, je restais chez lui. Il parlait, parlait toujours, seulement des moulins. Je feuilletais ses livres. Au petit matin, je visitais son moulin, enfin ce qu’il en restait. L’ancienne bâtisse, il l’a rénovée. Amoureusement il entretient le béal qui laissait couler l’eau jusqu’à la gourgue pour faire tourner les meules. Il n’en restait qu’une de ces meules, esseulée dans le sous-sol. Il vivait son rève. Depuis, il est venu écouter le tic-tac des trois meules du moulin de Grattegals. Un hasard de rencontre qui n’en finit pas d’être des rendez-vous depuis trois ans.
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