Carnet des (vieux) jours #4

Un cahier de raison « Le thé des écrivains », à la couverture fanée, mauve, et aux pages oranges et blanches. De vieux souvenirs datés de 2007. Fin de l’année en ce numéro 4.

[Sans doute ai-je l’impression, à cultiver ce décalage, de ne plus parler vraiment de moi…]

13 septembre 2007
En vrac, partis 3 jours et 2 nuits à Arles pour les Rencontres de la photo + à Nyons pour un atelier à La Pousterle. Vent à décorner les bœufs un peu partout. Cherché des paniers à champignons sur notre route. Fastidieux. A notre retour, une réservation nous attendait pour le… surlendemain. Quatre nuitées en gîte. Répondu à un appel d’offres de l’INSERM. M. confectionne du coulis et de la confiture de melon. Je cueille des mûres et des framboises, encore ! Je me régale avec Henry Bauchau, M. dessine à qui mieux mieux. Notre site La maison de Noé est quasiment terminé.

14 septembre
Ce soir sont arrivés nos trois « frangin-frangines » : Marie-Laure, Catherine et Benoît. Ce jourd’hui, deux althéas ont été envoyés ad patres. Paix à leurs feuilles et à leurs boutons.

17 septembre
Hier, dimanche 16, nous fêtions l’anniversaire d’A. (55 ans) au Ranc, avec une quinzaine de voisins. Grand soleil, chaleur, chapeaux, parasols, couscous, marquisette, rouge d’Arbois aux fausses allures de rosé (apporté par J. et J. évidemment). Nous fêtions aussi les cinq ans tout pile de notre arrivée ici ; souvenir de la signature chez le notaire sous un grand soleil, accompagnés de B. et P., Julie, bien sûr, Pêche et Carine. Le lendemain avait été un jour de brouillard comme nous en avons connu peu depuis ! Et bien aujourd’hui est un jour de déluge et d’orage.
C’est la nuit du 15 au 16 que j’ai choisie pour tomber dans la trémie de l’escalier, à 3 h du matin, tout cela pour quelques questions à Joël de Rosnay. Conclusion : entorse de la cheville, attelles, béquilles pour 15 jours et rééducation (15 séances). Youpi !

30 septembre
Ce matin sont repartis nos hôtes d’un soir, M. et Mme B. – charmant couple venu des Yvelines – qui avaient aussi réservé la table d’hôtes. Elle est portugaise, il est alsacien. Sont repartis aussi Prêle et S. arrivés, mardi après-midi, en même temps d’ailleurs qu’une jeune femme qui nous avait été adressée par Nathalie D. Aujourd’hui comme hier, M. a coupé du bois pour l’hiver. Le froid a réapparu et nous avons allumé poêles et radiateurs (pour les hôtes, le temps d’une soirée). Notre voisin, M. L. est mort ces jours derniers, nous ne le connaissions pas, il vivait à La Baume pendant les vacances. Il repose au cimetière de Molezon, il en est le premier habitant.

15 octobre
Gérard a apporté son bélier.

Le 24 novembre
A rebours… Jolie journée aujourd’hui, ensoleillée, fraîche, avec la visite de D. Hier, soirée entre amis à la Combe Del Salze, avec P. et E. Aligot préparé par V., délicieux !
Semaine passée à cogiter sur le futur, comment vivre sans boulot ? (M. venait de perdre sa plus importante collaboration à un magazine.) Et à « réparer » les dégâts… des sous qui manquent. Heureusement nous pouvons compter sur la générosité indéfectible de Stef et celle, inattendue, de M. Samedi dernier, nous étions de retour à Témelac après les péripéties ayant suivi notre retour de Montréal : vol de la voiture (405 de Papinou), retrouvée brûlée à Viarmes, rapatriement dans le Sud, en passant par Nyons où B. devait nous prêter sa voiture, et où nous achetions finalement une Mégane avec les sous prêtés par J. et S.
Avant cela donc, voyage d’une semaine au Québec où nous avons retrouvé Stef et le petit Justin ainsi que K, et où nous avons revu M. et S., entraperçu B. et enfin, fait la connaissance de la famille de K. De bons souvenirs et des photos pour se les rappeler. Justin, 2 ans 1/2, est un beau petit garçon, qui se fait comprendre, qui est malicieux, joueur, plein d’énergie et qui rit aux éclats comme seuls le peuvent les tout-petits (« c’est pas possible !« ).
Encore avant cette semaine, nous étions partis dès le lundi à Moulins, après un passage à l’hôpital de Mende, puis à Orléans, où nous avons revu Pêche, Carine et Mitsuko. Carine enceinte d’un petit garçon (ça c’est moi qui le dis !) [En fait elle a eu une fille 😄] Passage à Paris pour un repas avec Jo chez Maryse et Pierre en présence de D. la frangine et Ariane, arrivée d’Édimbourg dans la soirée. Pendant notre séjour en banlieue parisienne, nous étions hébergés chez Tata Giulia bien sûr, bien vieillie mais toujours alerte et travailleuse (300 kg de pommes de terre ! des haricots, du céleri, des carottes, etc. !) Revu Adelma. qui nous a d’ailleurs conduits à l’aéroport de Roissy.
Au retour, grève des transports et pour couronner le tout, il avait gelé (-4) pendant la semaine précédente.

9 décembre
Hier soir, repas chez E. et P. avec Vaclav, Joëlle et J. où nous apprenons la possible candidature de V. au poste de responsable du VVF de Saint-Etienne. Marc M. m’ayant fait une proposition de boulot pour janvier, si celle-ci se vérifie, je me retirerai de la compétition. Rendez-vous est pris avec V. pour aller visiter le fameux village de gîtes et rédiger ensuite ensemble sa lettre de motivation. Nous sommes rentrés après 3 h du mat’, belle soirée. Depuis quelques jours, le temps hésite entre soleil franc, ciel bleu et pluie/bruine. En tout cas, il ne gèle plus comme à notre retour du Québec. Vendredi soir, représentation avec les enfants de Marvejols pour le Téléthon (166 € pour cette soirée). Aujourd’hui nous avons quasiment terminé le bouquin pour La Pousterle. Julie a trouvé un job dans une calendrette à Montpellier, tout le monde se réjouit pour elle. M. a aussi un job, ponctuel, de mise en page et illustrations proposé par Supagro. La roue tourne ?

22 décembre
Virée à Alès pour les courses de Noël, repas prévu avec V. et J. + P. Arrêt à Lézan pour faire le plein de viognier et le hasard faisant bien les choses pour acheter du Duché d’Uzés rouge, » à son top » comme dit le viticulteur, mais à boire dans les mois qui viennent. 17 € les 12 bouteilles. Le 19 décembre, Marc M. a confirmé que la mission avec Géotec aura bien lieu et M. obtient 5 dessins de Viva. Oui, la roue tourne !
Météo : 3°C le matin à 9 h chez nous, 2°C à Ste-Croix. Il gèle la nuit (-2) mais les poules pondent de 2 à 5 œufs chaque jour. Réveillon du 25 avec V., J., P. + P. et M.

FIN 2007

Carré

marlen-sauvage-carre

 

Carrée son existence
bornée dans tous les angles
une injonction à vivre selon
se cogner sans rebondir
se heurter à l’arête des jours des nuits
repousser de l’épaule les murs de la pensée
s’y écorcher la peau
tourner en rond
caresser la folie
déposer dans les coins
les élans la tendresse les calices de fraises les émerveillements
marcher en diagonale croiser les pas de l’autre
rebrousser chemin
retrouver la trace de l’instant premier
la suivre jusqu’au bord de l’oubli
quand la douleur efface le plaisir
entendre poindre la peur de l’inconnu
dans les pulsations du cœur
s’évanouir
la main sur la paroi mince du silence
lécher la plaie à vif
se cloîtrer pour ne plus
désirer l’espace au-delà de la forme
la jouissance du présent échoué
broyer l’offrande noire

 

Texte & photo : Marlen Sauvage

Réminiscences

marlen-sauvage-eglise

Le Concerto pour piano n°5 de Beethoven tapi dans les microsillons grinçants de trop d’écoute comme une lame venue du large charriant une mémoire enfouie un désir de bataille une colère qui galvanisait ses quinze ans et brisait l’ancre de l’enfance ; les pieds nus sur la lauze dans le frais de septembre à l’heure où le chevreuil descend le pré, juste avant de méditer dans le calme de la clairière ; la décharge électrique dans le corps qui tombe à genoux et la plainte lancinante des ligaments déchirés ; l’étreinte amicale de celle qui a vécu tant d’autres écueils que la situation ne requiert aucun mot sauf la tendresse ; la sonorité du patois trouant son français impeccable vibrant d’un temps ancien qu’il n’évoquait que d’un mouvement d’épaule ; l’effroi dans le cri de la femme au bord du précipice quand la roue tombe dans le vide et que la voiture menace de s’y fracasser ; les cloches de l’église au village distant d’un kilomètre qui chargeaient le vent de leur écho funèbre le jour de l’enterrement de la bergère de seize ans ; la complicité des regards dans un battement de cils, les battements du cœur dans l’évidence joyeuse de la reconnaissance, la trace du passé dans le visage d’un nouveau-né, l’éclatante revanche de la jeunesse sur toutes les vieillesses vides, la fulgurance poétique de la vie dans le frémissement du corps saisi par l’intensité de l’instant.

Texte & photo : Marlen Sauvage

 

De rêve et de lilas

marlen-sauvage-lilas

Je rêve et je me réveille
Dans une odeur de lilas
De quel côté du sommeil
T’ai-je ici laissé ou là

Je dormais dans ta mémoire
Et tu m’oubliais tout bas
Ou c’était l’inverse histoire
Etais-je ou tu n’étais pas

Je me rendors pour t’atteindre
Au pays que tu songeas
Rien n’y fait que fuir et feindre
Toi tu l’as quitté déjà

Dans la vie ou dans le songe
Tout a cet étrange éclat
Du parfum qui se prolonge
Et d’un chant qui s’envola

O claire nuit jour obscur
Mon absente entre mes bras
Et rien d’autre en moi ne dure
Que ce que tu murmuras

Aragon

Photo : Marlen Sauvage

 

Un seul instant…

Ce diaporama nécessite JavaScript.

« Ainsi m’abandonnais-je de plus en plus à la Nature radieuse, et presque avec excès. J’aurais aimé redevenir enfant, avoir moins de science et me changer en pur rayon
pour en être plus proche. Un seul instant me sentir dans sa paix, dans sa beauté,
me semblait mille fois plus précieux que des années chargées de méditation, que toutes ces expériences de cet éternel expérimentateur qu’est l’homme. Tout ce que j’avais appris ou fait au cours de ma vie fondait comme glace, et toutes les tentatives
de ma jeunesse sombraient peu à peu dans l’oubli. Quant à vous, bien-aimés si lointains, morts ou vivants, comme nous étions intimes ! »

Hölderlin, Hypérion.

Photos : Marlen Sauvage.
[Hypérion parut à Pâques 1797…]