Carnet d’écrivain #22

Quel livre, et s’en séparer où et comment ? A cette consigne m’est venu spontanément à l’esprit un souvenir très lointain de ce qui aurait pu faire livre, et que sais-je ce que j’avais en tête alors, à une douzaine d’années ? C’est l’objet du premier court texte ci-dessous. Quand au second, parfois la fiction vient au secours de la mémoire…

© Marlen Sauvage 2019

Enterrés les beaux timbres aux couleurs passées – vert pâle, sépia, incarnat – venus d’Indochine, du Maroc, d’Algérie, découpés sur les enveloppes du courrier de mon père. Tellement d’histoires derrière ces noms de pays inconnus, avec cette mention attristante ORPHELINS DE LA GUERRE, tout un monde à inventer. Glissés dans l’écrin satiné d’un ensemble de baptême (cuillère et coquetier enlevés de la solide boîte bleu marine) et enfouis dans la terre de la chênaie derrière la maison de l’enfance. Appris à perdre à douze ans. Ça ne fait pas un livre ?

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Avant de refermer le paquet, il avait glissé un exemplaire du dernier livre lu, l’engloutissant sous les dizaines de lettres, de cartes postales, de dessins, de collages qu’il retournait à son ancienne compagne, celle qui l’avait supporté durant plus de vingt ans. Le verrait-elle tout de suite ? En comprendrait-elle la signification ? Le lirait-elle ? Yoga racontait un peu son histoire, celle d’un homme qui se découvrait bipolaire à plus de soixante ans, et qui revivait sa vie à l’aune de cette information. Les débuts de leur rencontre et leur vie commune avaient été tissés de ces échanges épistolaires, longtemps quotidiens, de missives spontanées délirantes, de lettres cartonnées peintes ou débordantes de papiers collés, de fax à l’encre délavée, de boîtes de sardines expédiées tels de petits colis, comme il était encore possible de le faire des années plus tôt. C’était tout un passé où il ne se reconnaissait plus qu’il retournait à leur destinataire. 

Des relations épistolaires…

© Marlen Sauvage 2019

« Ecrire des lettres est un commerce avec des fantômes, pas seulement avec celui du destinataire, mais encore avec le sien propre, qui émerge d’entre les lignes des lettres qu’on écrit… Les baisers écrits n’atteignent jamais leur destination, mais sont bus en route par ces fantômes-là. »

Franz Kafka

Ecrivain public, écrivains d’un jour à Florac

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FNVM4C’était jour de fête hier dimanche à Florac (48) autour des métiers d’hier et d’aujourd’hui. Les artisans se pressaient dans la cour du château* et à l’intérieur pour une belle exposition sur l’histoire des bergers et de la transhumance. C’est là que je tenais boutique, celle d’un écrivain public, et l’affluence a été telle que j’ai passé la journée à transcrire, entre deux discussions, les 21 lettres écrites par les écrivains d’un jour ! Les voici dans l’ordre de leur écriture. Merci encore à tous (et à Brigitte Mathieu en particulier, grande prêtresse de la fête).

On tirait au sort dans une cruche un papier plié avec la proposition de lettre à écrire.

1- La lettre que vous aimeriez recevoir aujourd’hui, ici et maintenant.

Chère Madame,

Je vous écris personnellement pour vous informer que nos bureaux ont commis une erreur très grave. En effet, vous avez dû recevoir il y a un an environ une correspondance vous informant que malheureusement, vous ne pourriez pas toucher votre retraite avant l’âge de 64 ans et trois mois. J’ai le grand plaisir de vous informer que ce courrier est une erreur et que vous pourrez prendre votre retraite en juillet 2014.
Nous vous demandons d’excuser cette erreur grave qui a sans aucun doute dû vous procurer un énorme stress.

Veuillez agréer, Madame, l’expression de mes sentiments respectueux.

Monsieur Con, le ministre de l’Education britannique
Claudine

2- Lettre à l’inconnu ( e ) que vous avez croisé ( e ) dans un café, à la rivière, au resto du coin, dans la cohue de Florac un jour de fête et dont vous ne savez pas si il ou elle vous a remarqué ( e )…

Toi l’inconnu d’un soir,
J’étais assise à ce café et j’attendais un ami. Il était en retard. J’observais les gens autour de moi et c’est là que je t’ai vu. Toi, seul, les cheveux ébourrifés par le vent, un verre de vin rouge à la main et une cigarette posée devant toi qui se consumait seule. Tu semblais perdu dans tes pensées.
Mon regard a croisé le tien mais tu ne sembles pas m’avoir remarquée. Moi je ne voyais plus que toi. Oublié cet ami que j’attendais , oublié le temps, il n’y avait plus de café, plus de village. Florac s’est tout à coup effacé sous l’effet de ton regard.
Mes yeux se sont ensuite posés sur tes lèvres et je me sui plu à m’imaginer les embrasser.
Tout à coup, une jeune femme est arrivée, magnifique, avec de longs cheveux longs et bruns qui lui tombaient jusqu’en bas du dos. Elle t’a parlé, tu t’es levé et vous êtes partis ensemble.
Qui était-elle ? Ton amie ? Ta sœur ? Une connaissance ? Je t’ai regardé partir jusqu’à ne voir que ton ombre. J’ai cru te voir te retourner. Ai-je rêvé ?
J’aimerais tant te revoir. Je t’ai cherché dans les rues de Florac, espérant te recroiser. Tu as disparu… Reviendras-tu ?
L’inconnue au chapeau bleu
(Aurore)

3 – La lettre au Père Noël d’un enfant des années 40 et la lettre d’un enfant d’aujourd’hui…

Cher Père Noël,

Ce que je souhaite ne s’achète pas je voudrais que la guerre s’arrête et que la paix revienne sur terre le seul truc que je veux c’est de retrouver mon père qui est parti pour la guerre.
Timmy, 1940, France

Cher Père Noël,
Je voudrais :
IPAD 4
iPhone 5
iPod Touch 4e génération
Un ordinateur
Un camion de pompier
Et je voudrais être président.
2013, France
Yanis Belkacemi, 11 ans

4 – La lettre d’une mère à sa fille pour lui expliquer les tourments de la vie.

Ma fille bien-aimée,
Par cette belle journée d’été, j’ai une délicate mission à accomplir et je te prie de croire que je ne le fais pas de gaieté de cœur. J’ai pour tâche de t’expliquer les tourments de la vie.
Que te dire ?
Que les amis te quittent et te trahissent quand tu t’y attends le moins ?
Ce n’est pas vrai.
Que les amours ne durent pas, que les hommes nous trahissent, nous les femmes, nous abandonnent et nous laissent sur le bord du chemin ?
Ce n’est pas vrai.
Que la violence et la haine règnent partout et durcissent le cœur des hommes ?
Ce n’est pas vrai.
Que l’accouchement déchire ton corps et parfois ton cœur ?
Ce n’est pas vrai.
Que « petits enfants, petits soucis, grands enfants, grands soucis ? »
Ce n’est pas vrai.
Que les distances séparent ceux qui s’aiment ?
Ce n’est pas vrai.
Que le froid de l’hiver durcit le cœur, que le soleil brûlant de l’été assèche la terre ?
Ce n’est pas vrai.
Que la mort est un grand chemin de lumière ?
Ce n’est pas vrai.
Voilà. Ma chère fille, j’espère que je me suis acquittée, humblement de ma mission.
Bien à toi,
Maman (Liliane)

5 – Lettre à l’inconnu ( e ) que vous avez croisé ( e ) dans un café, à la rivière, au resto du coin, dans la cohue de Florac un jour de fête et dont vous ne savez pas si il ou elle vous a remarqué ( e )…

Jour de fête à Florac, je déambule dans les rues, me laissant aller au gé de la musique, des stands où se mêle l’odeur du fromage de chèvre, des saucissons de montagne, des viennoiseries.
Je me laisse tenter à picorer dans les assiettes, et là ma main frôle la tienne. Des doigts longs, le contact est doux. Je lève les yeux et t’aperçois.
Beau brun, yeux verts gris, la barbe d’un jour te donne un charme fou. Nos regards se croisent, une esquisse de sourire et tu t’évapores dans la foule.
Je vais te perdre, te recroiser et là mon cœur va battre la chamade, et je n’aurais de cesse de te chercher dans la foule qui se fait plus nombreuse, écrasante, faut jouer des coudes pour avancer. Je t’aperçois, je te perds, suis du regard et continue à jouer des coudes pour te rejoindre, mais quand je crois enfin te rejoindre tu as à nouveau disparu.
Je voulais juste te dire combien je t’ai trouvé beau, tu as été mon soleil de ce matin, tu as accroché une étoile dans mes yeux.
Je garderai un merveilleux souvenir de cette journée d’été.
Cependant, si par hasard, le regard furtif que tu as posé sur moi te poursuivait dans le souvenir, je te donne rendez-vous tous les dimanches matin au café « Le rendez-vous des curieux », au centre du village.
Je t’attendrai.
Esther

6 – Lettre aux organisateurs de Florilège (proposition libre !)

Mesdames et Messieurs,

C’était une très bonne idée d’organiser cette journée qui permet de découvrir des métiers oubliés. Tous les exposants sont très aimables et vraiment désireux de parler de leurs métiers. Et puis on peut découvrir la salle d’exposition et s’informer sur cette belle région.
Une belle fin d’été à toute l’équipe du Parc des Cévennes et aux bénévoles des diverses associations.
Marie-Françoise du Loir-et-Cher

7 – Imaginez un personnage derrière les barreaux… Voir Paroles de détenus… Qu’écrirait-il, à qui ?

Prison de Florac le 11 août 2013
Chère mère,
Je suis désolée pour tout.
Je ne sais pas ce qui ma pris. Je regrette, pardon.
Au revoir.
A bientôt, j’espère.
Sohane, 9 ans.

8 – Lettre qu’un personnage laisse comme un testament caché dans une enveloppe quelque part chez lui…

Chère famille,
Je lègue à mon fils Ronan mon épée, mon château de campagne et mon étalon le plus rapide. A ma femme, le château de Versailles et la moitié de mon or. Et à mon fils Henri je lègue ma couronne et l’autre moitié de mon or.
Louis XIV (Gwenaël, 12 ans ½)

9 – Lettre d’amour d’un jeune troubadour à sa dame.

Le 11 août 2013
Mon amour,
Je vous trouve très jolie. Vous avez une bien belle voix. Je voudrais vous demander en mariage ma très chère. Je vous aime. Et à chaque fois que je fais spectacle, je le fais pour vous ma très chère.

Hugo Troubadour (Orléane, 10 ans)

10 – Lettre qu’un personnage laisse comme un testament caché dans une enveloppe quelque part chez lui

Le 3 mai 1889
Bonjour,
Je ne te connais pas mais j’aimerais te confier un secret qui a comme but ou plutôt comme cause que j’ai caché un trésor au fin fond de ma cave, mais j’ai un trou de mémoire et je ne sais plus où il est caché dans ma cave, j’ai déjà cherché au moins sur 50 m2 mais ma cave mesure au moins le double… J’aimerais que tu viennes m’aider mais je ne veux que personne d’autre ne le sache.
Inconnue (viens demain à 4 h00 à la rue du Soleil…)
Emeline (11 ans ½)

11 – La lettre au Père Noël d’un enfant des années 40 et la lettre d’un enfant d’aujourd’hui…

1er décembre 1940
Bonjour Père Noël
J’aimerais une toupie en bois et une orange.
Naomie
1er décembre 2013

Bonjour Père Noël
J’aimerais une barbie.
Naomie, 8 ans

12 – Lettre d’insultes à votre banquier qui vient de vous refuser un prêt.

Florac, le 11/08/2013
Monsieur, le soi-disant banquier,
Suite à votre refus concernant mon prêt, je tiens à vous faire part de mon agacement ! Je suis supris de votre incapacité à compter !
A quoi vous servent ces années d’étude, si vous n’êtes toujours pas capable de tenir compte de mes rentrées d’argent.
Si vous persistez dans votre refus je viendrai personnellement vous rosser !
Avec l’expression de mes sentiments les plus haineux !
Je ne vous salue pas !
Simon, 13 ans.

13 – La lettre à sa mère d’un jeune homme qui vient de partir pour un tour du monde comme mousse sur un bateau…

Le Triangle des Bermudes
31 décembre 3500
Chère Maman,
Tout va bien sur le bateau, à part quelques matelots qui se sont noyés car un kraken nous a attrapés. Ne t’inquiète pas, tout va bien, il me manque juste la jambe droite !
Bisous, bye
Cédric, 12 ans

14 – De quelle proposition s’agit-il ? Mystère…

Dimanche 11 août 2013
Chère Orane,
Je sais que tu le désires depuis si longtemps, alors je vais t’en faire la proposition : mon collègue de travail aurait aimé s’occuper d’une stagiaire pendant quelques temps afin de léguer mon savoir ! Il m’a donc demandé si je connaissais quelques personnes qui pourraient être interessées par le métier d’éthologiste qui, ici, concernerait les loups.
J’ai tout de suite pensé à toi, et me voici donc en train de t’écrire ! Tu pourras loger chez moi, nous serions ravis de t’accueillir ! Mon collègue en question m’a prévenu que vous feriez un voyage dans les Pyrénées afin d’en apercevoir ! Je pense que tu accepteras cette chance avec enthousiasme !
Tonton Frantz

15 – Imaginez un personnage derrière les barreaux… Voir Paroles de détenus… Qu’écrirait-il, à qui ?

Dimanche 11 août 2013
Papa,
Je ne saurais si je dois t’envoyer des baisers joyeux comme je le faisais depuis la montagne ou si je devrais plutôt t’envoyer de tristes baisers comme le font toutes les filles d’ici… Je ne suis plus fatiguée et les entraînements quotidiens m’ont redonné de la force afin d’affronter la rage d’autres détenus. Je partage ma cellule avec Lili, elle est ici depuis septembre… elle ne parle presque pas, tant mieux, je préfère réfléchir aussi… L’ambiance ici est très tendue… nous partageons chacune notre haine parfois réaliste parfois irréelle… certaines camarades, emplies par tant de désolation deviennent folles, ou presque… Chaque jour, j’assiste à de farouches bagarres qui finissent parfois très mal. Mais notre haine qui ne fait que grandir remplace lentement la chaleur que l’on avait réussi à garder en nos cœurs… alors chaque soir on entend les cris lamentables de chaque femme qui emplissent les dortoirs d’échos larmoyants et une soudaine envie me prend de me mêler à ce choeur féminin. C’et en prison que je me suis senti le plus animale, on ne fait plus attention à ma tenue… à mon visage… en prison, nous sommes tous pareils, seule la différence de notre passé et de nos actes nous séparent… J’espère que tu me répondras vite, je t’aime !
Ta fille, Orane (14 ans)

16 – La jeune femme qui m’a laissé cette lettre dans une enveloppe est partie très vite en me disant tout sourire « Lisez-la quand vous serez seule, vous allez beaucoup rire ! ». Elle avait un petit accent… Evidemment, je n’ai rien compris à la lettre, rédigée en russe si j’en crois son auteur…

Une lettre à sa mère, en russe !

17 –Lettre qu’un personnage laisse comme un testament caché dans une enveloppe quelque part chez lui

Si vous trouvez cette lettre c’est que je ne suis plus là pour garder la cachette…
Si vous avez découvert la cachette c’est que vous cherchiez quelque chose.
Que désirez-vous trouver ?
Un trésor sans doute… Sera-t-il à la hauteur de vos espérances ?
Quel est votre désir le plus cher ?
Puissiez-vous trouver la réponse au plus profond de vous-même avec comme guide l’amour de vos proches.
Voilà, tel est le trésor que je vous laisse : la recherche de soi, guidée par l’Amour… A vivre jour après jour jusqu’au dernier souffle.
Nathalie

18 – Sur le modèle de Michéa Jacobi et de son Piéton chronique, écrivez une lettre aux habitants de votre ville ou de votre village pour leur parler d’un lieu que vous aimez en particulier.

11 août 2013
Tous à Blajoux,
Ici les rayons du soleil viennent vous effleurer et vous dire qu’il est temps de vous lever. Encore les yeux brouillés par le sommeil et la tête pleine de rêves, vous prenez votre thé brûlant et vos biscottes croustillantes en allant vous installer sur une table dehors qui vous attend pour le petit-déjeûner. Devant ces merveilleuses montagnes couvertes de calcaire et de végétation, se trouvent deux mondes que l’on distingue parfaitement. Deux rochers forment un sablier et vous rappellent que le temps passe, qu’il passe trop vite et que les vacances sont faites pour en profiter pleinement. Vous décidez alors de vous rafraîchir les idées et d’aller plonger dans les gorges du Tarn ou resteront vos souvenirs. Donc allez, allez vous revitaliser à Blajoux ou dans tous ces pays du Sud qui vous font oublier les soucis et la pluie de la Picardie.
Bises
Anne, 15 ans

19 – Une lettre à qui vous voulez où un personnage raconte sa recette préférée et pourquoi elle lui plaît autant…

11 août 2013
Chère grand-mère
Mélanger le jus de 4 citrons avec le zeste d’un citron non
traité, râpé, 3 c à soupe de
sucre roux, 2 branches de
verveine grossièrement hachées,
30 g de gingembre pelé en
fines rondelles, 2 bulbes de
citronnelle émincés et 75 cl
d’eau pétillante.
Laissez infuser 4 h au frigo, déguster filtré.
Cette recette tu me la faisais quand le temps était agréable, pour mon goûter ou quand j’avais un coup de cafard.
Pendant cette cuisine, tu chantonnais des chansons occitanes
tu me racontais des histoires et des légendes.
Je m’en souviens de ce goût si rafraîchissant, ces citrons que tu prenais de ton jardin.
Cette boisson c’est mon enfance.
Je la transmettrai à mes enfants qui eux aussi la feront.
Au revoir grand-mère
Maëlle, 14 ans.

20 – Proposition libre…

Moi, l’Argentin de Buenos Aires jusqu’à il n’y a pas si longtemps amoureux fou de son pays et ayant pour idée fixe le retour au pays, j’ai enfin trouvé mon endroit sur cette planète. Et cet endroit c’est les Cévennes. Je suis tombé amoureux de ces paysages mais aussi de son histoire et de ses gens. Et c’est donc ici en Cévennes qu’on a décidé de poser nos valises. C’est ici dans les Cévennes qu’on voudrait aussi fonder une famille. Au bout de 20 ans en France, je me suis rendu compte, après une parenthèse nécessaire en Argentine, pour pouvoir fermer un chapitre de ma vie, que la France est mon pays d’adoption. Et que les Cévennes ce sera notre terre d’accueil. Pourquoi les Cévennes ? Je ne saurais l’expliquer avec des mots, mais c’est comme ça que je le ressens dans mes tripes. Peut-être ce pays m’aidera à être vraiment heureux. C’est le seul but que je poursuis dans ma vie, le bonheur. Celui des choses simples, celui d’une fleur, du chant d’un oiseau, des balades enforêt. Ce bonheur-là.
Rodrigo Maiz Cacerres
11- 8-13
17h01

21 – Lettre qu’un personnage écrit à sa mère/ grand-mère, à son père/grand-père/ autre ? en réponse au secret de famille que l’on vient de lui apprendre.

Mirabelle
Nemours-sur-Cielan, le 11 août 1985
Chère mémé,
La semaine dernière je suis retournée à l’endroit où nous allions le dimanche lorsque j’étais petite. Te souviens-tu de ce lieu aux abords de la forêt ? On y pique-niquait si souvent. C’est là qu’un jour je m’étais blessée en tombant d’un arbre… je me souviens que j’avais si mal… je me souviens que j’ai beaucoup pleuré… je me souviens que tu m’as prise dans tes bras… si fort, si tendrement aussi… J’en garde un souvenir si puissant que mes poils se hérissent sur mon corps lorsque j’y pense…
Sais-tu, ma chère grand-mère que je t’aime et que je t’ai toujours aimée… Il faut que je te dise aujourd’hui, que ce jour-là, j’ai su, j’ai senti que tout ne m’avait pas été dit… je ne peux l’expliquer davantage… mais j’ai su et j’ai grandi, et je me suis construite avec ce sentiment. Il ne m’a jamais quittée…
Si je te raconte tout cela, c’est qu’il y a un mois, je suis allée à l’hôpital, embrasser pour la dernière fois mon oncle Gédéon. Et, avant de fermer les yeux définitivement, il a voulu tout me raconter… Tout ce qui m’a été tu, tout ce qui ne m’a pas été dit sur la disparition de ma mère. Aujourd’hui je sais… j’ai mal et je ne peux dire le contraire… Mais je me sens bien, oui malgré la blessure, la peine et surotut le déchirement que la révélation de ce secret suscite en moi depuis plusieurs semaines maintenant, j’ai le sentiment d’enfin comprendre qui je suis.
Je t’écris cette lettre, chère Mémé pour te dire que maintenant je sais, mais je ne t’en veux aucunement. Toi et les autres avez fait je pense ce que vous pensiez le meilleur pour moi.
Je viendrai te rendre visite, dans un mois, deux peut-être, oui, laisse-moi un peu de temps (car qu’est-ce que le temps ?)
Nous traversons le temps, comme le temps nous a trouvés… D’ici là, n’oublie pas que je t’aime et que je vais bien.
Embrasse pépé de ma part,
Ta Mimi

Si certaines propositions ont été tirées deux fois, d’autres ne l’ont pas été du tout :

• A la façon de Jean-Luc Lagarce dans Juste la fin du monde, quelle lettre votre personnage pourrait laisser à ses proches, qui parlerait de lui, alors qu’il saurait ne plus les revoir jamais ?

• Lettre ouverte, à paraître dans le quotidien qu’il vous plaira, au Président de la République ou à un membre du gouvernement pour dénoncer un scandale ou ce qui à vos yeux est scandaleux dans la société d’aujourd’hui…

• Une lettre à soi où un personnage s’exhorte à faire (ou à ne plus faire) quelque chose…

• Lettre d’une marraine de guerre à l’un de ses « filleuls » soldat sur le front.

• La lettre d’un père à son fils pour lui dire le minimum à savoir avant de se lancer dans la vie…

• Dans les années 30, la lettre d’un jeune homme à sa fiancée alors qu’il sait que les parents de la jeune femme vont enquêter sur lui avant le mariage.

Deux enveloppes ont été réalisées au cours de cet atelier…
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*siège du Parc national des Cévennes organisateur de la journée.