Carnet d’écrivain #21

Faire bouger les choses, même petitement. Et le raconter avec des phrases nominales, sans verbe, voire sans sujet… Je ne satisferai pas à la consigne, j’écris de plus en plus rapidement, sans me soucier sans doute d’écrire au sens où j’entends l’écriture. Ces 40 exercices pour le carnet d’écrivain sont autant de gammes, et je m’exerce selon l’inspiration et le temps dont je dispose…

© Marlen Sauvage 2019

Un téléphone mobile à recharger, pas de câble sur place et la crainte de l’avoir oublié dans la maison des Cévennes la semaine précédente. Ou peut-être dans l’appartement, au retour ? Ce que la mémoire fouille et ne retrouve pas… Les agacements que provoquent systématiquement ces oublis quand il apparaît clairement qu’ils deviennent plus fréquents qu’auparavant, à moins que l’on n’y prête davantage attention, justement parce que l’âge… Quel endroit ? Quel sac ? Se remémorer le dernier moment où l’on s’en est servi… Le tour de la maison avant le départ, a-t-on pensé à regarder les prises ? Des tiroirs ouverts, des placards, des étagères visitées, rien. Un regard au « connecteur de sortie » de l’appareil et l’idée jaillissante de tenter le câble de l’ordinateur ! Bingo ! Et le double constat que si l’on a encore alimenté la société de consommation, on n’a pas perdu toute sa tête non plus.

Carnet d’écrivain #20

Je poursuis studieusement cette écriture quotidienne conduite par ces 40 exercices pour le carnet d’écrivain, de François Bon. Ici, la scène est muette, c’est celle d’hier, revisitée sans parole par conséquent…

© Marlen Sauvage 2019

A la fenêtre d’une maison de village, un jeune homme se penche sur un couple qui marche dans la ruelle, son visage est joyeux, il esquisse un sourire, l’homme et la femme lèvent les yeux vers lui, la femme ne remarque pas les clés de huit, de dix, de douze alignées par terre près de la moto et les bouscule en riant. Dans la boulangerie, le même couple s’attarde devant la vitrine et s’interroge sur le choix des gâteaux pour leur repas de midi. Ils s’accordent sur deux « exotiques » à la mangue, la noix de coco et l’ananas, ainsi que le précise l’étiquette apposée devant chaque ligne de gâteaux, et une tropézienne ventrue chargée de crème au beurre. Avec la baguette que l’on nomme ici « festive », ils règleront la somme de neuf euros et quarante centimes. Entretemps, un homme est entré dans la boutique avec un sourire complice à l’adresse de l’une des vendeuses. Celle-ci lui explique que le panneau « bon anniversaire » est dans la boîte, elle joint le geste à la parole, à côté du gâteau que seul le client verra. Sur le chemin du retour, une femme lève les yeux à l’approche du couple, elle a le nez enfoncé comme écrasé, elle sourit, un murmure, en réponse leurs lèvres bougent dans un même mouvement, le soleil tape déjà fort. Il est onze heures. La petite Renault 8 bleue, comme neuve, stoppe devant eux dans la ruelle. Un signe de la main, un pas de côté et le conducteur reprend sa route. C’est dimanche. Il fait beau. Il y a de la joie dans l’air.