Carnet des jours (60)

© Marlen Sauvage 2016 Mes carnets, ma mémoire…

Je blogue toujours avec un temps de retard. La photo date du week-end dernier, pendant que les stagiaires écrivaient sur mes propositions autour du mouvement. La fleur m’évoque une des dames que je viens de visiter aujourd’hui (mercredi donc, puisque je blogue en retard…) en unité de soins longue durée : fragile, vulnérable et pourtant absolument lumineuse et gaie. Quelqu’un qui rayonne de vitalité tout en se sachant près de la mort. Une amie des piafs qu’elle nourrit de miettes épargnées chaque jour sur le pain et les gâteaux avec la complicité d’une soignante. J’aime ces histoires de rencontres et ces leçons de vie. Une dame de quatre-vingt-huit ans qui brode des motifs colorés dans des médaillons à offrir à Noël à ses petits-neveux et -nièces. En se souciant de ne pouvoir peut-être terminer à temps…

Carnet des jours (58)

© Marlen Sauvage 2016 Mes carnets, ma mémoire…

Trombes d’eau dans la nuit, levée à 4 heures pour admirer les éclairs depuis la terrasse ; ils sillonnaient le ciel comme pour une course où chacun d’eux tentait d’atteindre un point invisible à mes yeux. Que devais-je écrire d’urgent, alors ?  L’orage a tourné longtemps au-dessus de nos têtes, grondant et déversant ses litres d’eau, j’imaginais la terre s’ouvrir pour accueillir cette manne, et tout le monde « d’en-dessous » en bénéficier. Depuis des heures je plongeai dans le sommeil puis en émergeai, extraite de mes rêves par une quinte de toux inextinguible. L’orage tourna encore longtemps puis s’apaisa et ce ne furent plus que grondements lointains. On allait nourrir la terre ailleurs, réveiller d’autres gens, s’immiscer dans leurs matins. Je retournai à ce rêve où ma sœur aînée descendait une forte pente à vélo sans me proposer de m’emmener comme elle le faisait habituellement. Je le constatai simplement avec peut-être une pointe de déception. 

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Carnet des jours (28)

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[Sans doute ai-je l’impression, à cultiver ce décalage, de ne plus parler vraiment de moi…]

Samedi 18 novembre 2017
Retour en famille après ce séjour tunisien quelque peu écourté. Le futur me hante. Où vivre ? Maison ou appartement ? J’abandonne petit à petit l’idée de la maison à La Motte Chalancon. Trop froid l’hiver. Trop loin de tout. Splendide pourtant au milieu des montagnes… A ma taille, le village.

Lundi 20 novembre
Tour des agences de location. J’en retiens une. Rentrée avec des exigences… ressortie avec tout à la baisse.… ou à la hausse, selon le point de vue. Mais à Nyons, quand même, mon choix est fait.
Un petit mot de Sylvie pour me remercier des textes et photos publiés pour le projet Curious Eyes. Elle dont l’expo a rassemblé plus de 200 personnes par jour durant trois jours ! « Sois heureuse aussi dans ce que tu vis, le chemin nous apparaît mieux tracé à nos âges, il suffit peut-être simplement de le poursuivre avec légèreté. Et de continuer à écouter. » J’aime cette femme qui photographie des toiles d’araignée et des coquelicots… Et des poires, aussi…

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 ©Sylvie Chaudoreille

Du 21 au 24 novembre
Visites d’appartements. A l’extérieur de la ville, une résidence de petits immeubles bas, ocre rouge ; piscine… Des chaînes sur le parking. On domine tout. Champs d’oliviers. L’appartement est ridiculement petit. Tout est aménagé. Plus rien à y faire. Et tout est étroit, je ne bougerais pas un orteil ici. Une terrasse quand même… qui donne sur un parking et sur le bâtiment des activités estivales, moche comme tout… Ici, on promet aux propriétaires au moins 5 000 euros de revenus annuels s’ils confient la gestion de leur bien au syndic. Pfff ! Et ils n’ont droit qu’à une semaine en saison pour résider dans leur appartement. On peut déroger à cela me précise-t-on. Ailleurs, en haut de la ville, sur une route principale mais dans une résidence hyper sécurisée… un appartement, grand, ensoleillé, loggia… garage… place de parking… Mais une seule chambre. Ailleurs encore. Ah ! celui-ci avec deux chambres, des poutres au plafond, une cheminée… sur une placette loin de l’agitation relative de la ville. Entre une esthéticienne et… une cave à vins… Je fréquenterai plus l’une que l’autre, me dis-je instinctivement ! Coup de cœur. Pourtant une volée d’escaliers, pas de balcon… Oubliées mes exigences. Coup de foudre. On dit qu’une « maison » c’est comme un amour, la « rencontre » est imprévisible, on ne sait pas dire pourquoi on aime mais c’est là. Et bien c’est là. Comme j’écris ce journal à rebours, je ne me souviens plus de la date, pourtant j’aurais cet anniversaire à fêter, dans ma nouvelle vie.

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Samedi 25 novembre
En route pour les Cévennes pour tri, rangement, autres cartons… Les chats s’en sont donné à cœur joie et la maison doit faire restau pour les matous voisins… Brigitte m’accompagne. Efficacité garantie.

Dimanche 26
B. est repartie dans la matinée. J’alimente le poêle avant la nuit avec ce qu’il reste de bûches. La chatounette me tient chaud, les bouteilles d’eau aussi.

Du 27 au 29
Déjeuner avec Véro au soleil de la Combe ! Un comble ! Sa terrasse est encore envahie de fleurs en pot… les doigts verts de la dame, sans doute. José est parti à Paris pour plusieurs semaines.
J’erre dans ma grande maison, je ne peux même pas me promener avec ce genou de malheur. Je fais le tour des oiseaux le matin, de leurs chants dans les arbres, profite au maximum du soleil et de la terrasse. Christian m’héberge le temps de lire mes mails, de travailler au chaud à l’écriture de la préface pour le prochain recueil poétique de Rose-Marie et au collectif sur les animateurs d’ateliers d’écriture, de préparer mon prochain voyage pour La Réunion. Sa « thébaïde » domine la vallée. Je suis gâtée… à chaque visite, il me sert le thé et une tranche de son pain tout juste sorti du four. L’Arménie se pointe toujours dans nos discussions, et la présence de Solange est palpable dès que leur coup de fil quotidien se termine. Ils me manqueront aussi.

Vendredi 1er décembre 2017
Je reçois un appel de l’agence immobilière pour visiter la maison alors que nous avons récusé le mandat… Confusion… dans le doute, je laisse faire. (Je suis chez C…) J’apprends plus tard que personne ici n’a donné de contre-ordre… De toutes façons, nous avons trouvé acquéreur !

Samedi 2
Soirée repas avec les voisins/amis proches. Le glas d’une vie quand même. Nous parlons de nos successeurs, un couple d’archéologues qui devrait rassurer tout le monde en s’intégrant bien ici dans la vie de la vallée. Une maison qui retournera à sa première fonction, celle de maison de vacances… La vie est ailleurs.

(à suivre…)

Texte et photos : Marlen Sauvage

Haïku de novembre

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Pour Liliane

Dressé vers le ciel
protégeant son lieu sacré ~
Le menhir attend

Tous ces jeux d’enfant
partagés un mois durant ~
Déjà dans l’oubli

Nuages en mer
déposés dans la vallée ~
Envie de plonger

Premières lueurs
de rose le ciel s’habille –
Les arbres s’éveillent

Au milieu du vert ­~
un champ comme un grand tricot
aux couleurs d’automne

De l’or dans le ciel ~
Avant la chute des feuilles
l’automne flamboie

Mur de graffitis
Personnages en noir et blanc ~
Un chat prend la pose

Leurs murs se touchent…
Que se racontent-elles ?
~ Secrets de maison

Au fond de la grotte
L’eau échafaude ses plans ~
Draperies calcaires

Quand la main de l’homme
de la nature reçoit l’aide ~
Beauté des murets

Le bois pour l’hiver ~
Entassé depuis longtemps
s’accorde au décor

Debout sur les toits
elles veillent sur les crêtes ~
Cheminées de pierre

Comme on a sans doute
taillé la route il faut bien
la rapiécer

Au-dessus du causse
ils jettent leurs taches d’ombre ~
Les nuages blancs

Dans le jour naissant
tombent comme vieille peau
tous les cauchemars

Partout le regard
s’embrase au chant des oiseaux ~
Automne incendié

La nuit vers le nord,
les étoiles pour boussole,
migrent les oiseaux

Migrateur errant
seul dans le ciel assombri
Et mon cœur se serre

Un peu d’or sur le sable ~
Souvenir d’une oie
sauvage dans le ciel

Cette heure du soir
Où se taisent les oiseaux ~
Résonne ta voix

Dans les limbes il fuit
le haïku imaginé ~
Pris par le sommeil

Grandes flaques d’eau
après les pluies battantes ~
Faux miroir brisé

Branches racines
que l’eau confond ~ Image
d’un ciel renversé

Feuilles d’automne
comme pièces de monnaie ~
Vœux dans une flaque

Alignés serrés ~
Depuis la cime se mirent
les grands peupliers

Arbres narcisses ~
Le soleil projette l’ombre
d’un autre plus grand

Devisant gaiement
le bain de pieds se poursuit ~
Soleil revenu

Chaleur du soleil
avant la fin de sa course ~
La nuit peut tomber

Surface irisée
sous les rais de l’astre blanc ~
Le lac s’ensommeille

De blanc se hérisse
la mer contre les rochers ~
Vagues à l’assaut

Photo : ©Nadia Rivière
Texte : Marlen Sauvage

Un matin dans la vallée

 

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Hier, j’ai regretté de ne pas photographier cette petite vallée cévenole dans le brouillard et, le hasard a voulu qu’Arnaud Maïsetti ait publié ce matin un texte magnifique accompagné de vues splendides du Vietnam… [non, j’ai vérifié, la publication est plus ancienne, mais je l’ai relayée sur ma page FB ce matin !] Le rapport n’est pas évident, mais il faut aller voir pour comprendre ce que je veux dire. Nous aurions chacun donné à voir « notre » brouillard…

Peu après cette lecture, je descendais dans ma petite vallée par « la route du haut » sous un grand soleil, cogitant sur ces chemins, métaphores usées de l’écriture…

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Après le passage sous les frondaisons de bouleaux, de mélèzes, de châtaigniers, voilà ce qui nous attend. La beauté de ce paysage m’émeut depuis treize ans, à chaque saison.

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Une autre fois, d’autres brouillards…

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Texte et photo : M. Sauvage