Carnet des jours (23)

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[Sans doute ai-je l’impression, à cultiver ce décalage, de ne plus parler vraiment de moi…]

30 juillet – 6 août
Journées dans la torpeur de l’été, rafraîchies par la baignade quotidienne, une heure, pas davantage, en début de soirée ; dépasser les estivants agglutinés au bord de la plage, entrer dans la hauteur de l’eau, loin du rivage, près des massifs rocheux où la mer s’agite, discrets endroits perdus où se perchent les amoureux. Fins de soirées en famille et entre amis, à la nuit tombée, quand les places de Monastir se peuplent de touristes assis au sol à même l’herbe, pour profiter de la fraîcheur, enfin.

Lundi 7 août
Direction Mahdia par Khniss, ville côtière à cinq kilomètres au sud de Monastir, une extension, « le cinquième ribat (quartier) de Monastir » m’explique A. A notre gauche, la « mer Morte », telle que la population locale nomme cette lagune qui est encore une réserve de pêche bien que la biodiversité soit menacée par la pollution depuis des années. Pas de baignade ici, c’est pourquoi les gens de Khniss viennent se baigner à Monastir. Je prends la mouette sur la barque (enfin la barque et la mouette…) avec une pensée pour Chris.

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Près de Kniss (ou est-ce un quartier de la ville ?, je ne sais plus) se trouve Saklia dont le nom provient de « Sicile » et rappelle les échanges nombreux avec cette île voisine. Beaucoup de noms de familles tunisiennes portent la trace de familles siciliennes, affirme A. (Au début du XIe siècle, les Arabes expulsés de Sicile après la conquête par les Normands se sont réfugiés ici… me dit Wikipédia.)

Le paysage est d’oliviers plantés sur une terre ocre jaune, sèche, aride. La culture de l’olive est avec la pêche et le textile une des activités économiques de la ville. Je réalise que les plaids achetés dans une boutique de la médina de Monastir viennent de Kniss. C’est ici aussi que sont tissés avec la laine de mouton ou de chameau les burnous traditionnels et les kilim.

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Nous traversons Ksibet-el-Mediouni (du nom du saint fondateur de la ville), nous sommes toujours dans le gouvernorat de Monastir, puis Lamta où nous nous arrêtons.

A. me raconte tout de l’origine de la petite ville, dont le nom arabe provient du romain « Leptis Minor » ce qui la distingue de « Leptis Magna » qui se situait en Libye (ancienne Tripolitaine). Dans ce port ouvert aux échanges commerciaux et culturels, la religion chrétienne est mentionnée dès le IIIe siècle. Et cette ville, « sans doute l’un des plus hauts lieux de l’antiquité romaine », a révélé mosaïques et fresques parmi les plus belles de Tunisie. Son musée est internationalement connu. Pour l’heure il est fermé. Nous y retournerons.

L’économie s’appuie sur le maraîchage mais essentiellement sur les oliveraies (« deuxième production apres Sfax »). Ici on trouve de plus vieilles variétés d’olives et d’une meilleure qualité, m’assure encore mon amoureux. Dans une ruelle, un tapis de poivrons rouges sèche au soleil sur la terrasse d’une maison.

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Sayada. Sayad veut dire pêcheur. Dans le nom de Sayadi, très populaire à Monastir, le i indique la provenance. Un historien de Monastir (du nom de Sayadi d’ailleurs) affirme que Sayada vient de Saïda, ville côtière du Liban. La ville a probablement été créée par les Phéniciens venus fonder Carthage. Là où se tenaient des villages de pêcheurs, aujourd’hui des immeubles se dressent…

A Ksar Hellal, j’ai droit à un cours d’histoire, pour me rappeler si je l’avais oublié qu’A. est un fervent admirateur de Bourguiba… C’est ici que le 2 mars 1934, le futur dirigeant fonde le parti du Neo-Destour qui mènera la lutte pour l’indépendance de la Tunisie. Une statue à l’effigie de Bourguiba est toujours présente au centre de la ville pour commémorer cet événement. Mais j’ai droit aussi et surtout à une page érudite sur les origines de Ksar Hellal, de construction arabe, fondée au temps des Fatimides (j’espère ne pas me tromper, je n’ai rien noté de lisible et je ne retrouve aucune info là-dessus sur le net) et sur Banu Hilal une tribu arabe venue ravager le pays aux alentours du IXe siècle (???).

A partir de Moknine, nous entrons dans le gouvernorat de Mahdia par la GP1, la plus ancienne route de Tunisie qui allait sans doute de Carthage jusqu’à la frontière romaine (le limes). Avec cet homme, je ne peux rater une occasion de me cultiver, me dis-je en mon for intérieur…

Chiba, Edkila et enfin, Mahdia et sa prison civile dès l’entrée de la ville pour accueillir le visiteur ! Nous filons vers le port où se tiendra semble-t-il une « sardinade ».

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Quelques pêcheurs s’affairent autour de filets, de branches de palmiers dont ils se serviront pour pêcher la sardine. Les petits bateaux colorés se côtoient sagement, arborant des fanions plus ou moins défraîchis. Le « 427 MA » me salue. Je vois des signes partout !

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L’atelier de réparation du port est étonnamment silencieux, nous errons entre les immenses carènes, les engins, les hélices, aucune connexion ici alors que j’aurais volontiers tenté un « direct » sur FB pour une fois !

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9 août
L’essentiel de la journée qui vaut d’être retenu pour ne pas réitérer l’erreur : repas à L’Alhambra, à Monastir, avec H. Nous n’y retournerons pas…

10 août
Mon amour est reparti à Tunis. Je flemmarde, lis, écris…

11 août
Cimetière marin de Mahdia sur le blog et souvenir encore triste de la mort de Dominique. Je m’oblige à ne rien ressasser.

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Le soir, repas français Chez Marcel (le Pirate est complet) devant le petit ribat, où le patron s’appelle Laurent, il vient d’Avignon, tutoie le client et nous apprend que Marcel était le prénom de son beau-père… Très bonne cuisine servie dans une ambiance on ne peut plus calme, les clients se pressent ici le midi plus que le soir.

13 août
Retour. Tunis sous le soleil levant, des larmes sèches et une attente d’une heure pour passer le poste de police, de quoi râler suffisamment et avoir envie de rebrousser chemin…

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Texte et photos : Marlen Sauvage

 

 

 

 

 

Une carte de Tunisie…

Depuis 4 jours, je participe à un défi photographique lancé par une Québécoise, Karen (at Curiosity Inc.). Pris le train en marche pour des raisons techniques et démarré avec le jour 3… Mais je me suis rattrapée. L’idée est de répondre à une proposition de thème, doublée d’une citation, par une photo prise en temps réel. Tout est posté sur Twitter #mycuriouseyes Rien de prétentieux. Voilà ce que ça donne…

Jour 1 : Interesting
« Vision is the art of seeing what is invisible to others. » Jonathan Swift
Pris cette photo de branches de palmier sur le port de pêche de Mahdia où j’ai appris qu’on les utilise pour la pêche à la sardine…
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Jour 2 : Colour
« Colours are brighter when the mind is open. » Ariana Alarcon
Déambulation dans le village de Lamta, des piments au soleil…

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Jour 3 : Shape
« The object of art is to give life a shape. » William Shakespeare
Là, j’ai un peu triché, la photo vient des Cévennes… (faute de pouvoir récupérer les photos de mon iPad sur le mac…)

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Jour 4 : Texture
« The texture of experience is prior to everything else. » Willem de Kooning
Le détail d’un burnous en laine de chameau…

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Suite dans les prochains jours si la connexion est bonne…
Merci de votre lecture !
Texte et photos : Marlen Sauvage

 

Canicule

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12 juillet – nuit

Particules de poussière brûlée
dans la nuit caniculaire

Loin du sommeil traverser les heures

Plusieurs fois sous la douche froide
goûter l’eau sur le crâne et le corps
le répit dure si peu

Dans le vacarme du ventilateur
la chaleur s’empare des filets de fraîcheur

Cette odeur encore
comme si un grand feu brûlait le dehors
tandis que résonne le chant du coq

Cinq heures
heure des moustiques

Dans le jour qui se lève
une meute de chiens aboie

Texte et photo : Marlen Sauvage

Impasse des pensées

Peut-être devait-elle se faire à l’idée que sa vie ne serait plus qu’une succession d’instants de solitude à déguster des olives vertes accompagnées d’un verre de vin blanc sur la terrasse d’une villa, à La Marsa ou ailleurs, sous un ciel lavande. A regarder passer les hommes devisant à deux ou trois dans un dialecte incompréhensible, à écouter les voitures qui dans un crissement de freins aborderaient un passage pour piétons, à attendre l’hypothétique visite d’une rare amie avec laquelle elle aurait pu se lier au cours de ses longs mois ici, à jouir de l’air frais coloré par les citronniers et les mandariniers, les lantanas et les bougainvilliers. Entre deux traductions et quelques écritures.

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Peut-être devait-elle se faire à l’idée qu’elle était venue chercher cette présence à soi dans ce pays-là. Un pays toujours inconnu qui l’attendrissait par ses frémissements démocratiques, par sa schizophrénie maladive, sa gentillesse foncière, sa duplicité aussi, ses travers corruptibles, ce pays attachant où la proximité de la Méditerranée la réconciliait avec son autre bord. Rien ne se jouait entre les rives. Elle enjambait la mer de ses pensées inquiètes, elle n’en attendait rien. Il était question d’une terre plutôt que d’une autre, d’où viendrait la révélation. Et quelque chose apparaissait, trop fugace pour qu’elle l’appréhende, comme ces intuitions qui se saisissent d’un endroit de notre corps pour nous mettre en garde et dont la survenue est à la fois si intense et si brève qu’on ne sait plus où l’on a tressailli et qu’on ne les retient pas.

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Peut-être que l’anonymat dans lequel elle se fondait ici révélait sa part différente, son autre soi forgé durant les premières années de sa vie dans un autre Maghreb et qu’elle recherchait assidûment en toute inconscience depuis des décennies.

Alors la rencontre avec ce pays suffisait-elle à l’extirper de son questionnement diffus, à la dresser devant cette culture idéalisée, à en dessiner les limites, à en mesurer le décalage, à lui en révéler les passerelles… et combien l’harmonie serait tout entière à bâtir, à inventer.

A la réflexion, elle aimait les olives et le vin blanc.

Tristesse, par Anissa

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Sur l’océan des âges j’ai vu
déferler mon âme hier et toujours sur la plage et de l’inquiétude,
et de la non béatitude et de la morosité.

Temps qui passe et dépasse
les choses et les êtres
tu sembles ne pas me voir dans
mon coin, seule, à bout de force,

Tu offres aux uns joie et gaieté,
aux autres amour et beauté.
Et tu t’en vas, tu passes
sans t’apercevoir, sans t’occuper

De cet être qui, au coin
seul, et à bout de force
las d’attendre une paix
promise et qui n’arrive jamais.

Sur l’océan des âges, mon coeur
battait encore pour cet inconnu
qui a perdu mes voies
et mon drapeau et mon parfum.

Et c’est ainsi que je me brisais
hiver et printemps automne et été
à coups répétés, à coups saccadés
sur les ombres passées, sur les villes quittées.

Texte © Anissa [dite Violette Rose]

Photo : M. Sauvage

Un petit tour à Utique ?

En route pour Bizerte un matin de juillet, arrêt sur le site archéologique d’Utique, cité portuaire créée par les Phéniciens. Le nom latin Utica, signifie « ville ancienne » en langue punique – une variété du phénicien, parlée à l’origine au Liban – contrairement à Carthage, « ville nouvelle ».
Le site est l’un des plus beaux que j’ai visités jusqu’à présent, l’un des mieux conservés, le plus propre aussi (ce qui n’est pas rien aujourd’hui en Tunisie !)
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La Méditerranée alors léchait les ruines actuelles… Je rêve d’eau. Près des cyprès peut-être, d’autres arbres, un peu d’ombre ?

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Que nenni ! Sous un soleil de plomb, je pense ce jour-là que nous aurions dû faire un petit effort pour partir plus tôt. Heureusement, les vieilles pierres nous appellent et nous arpentons l’allée principale (romaine) de la ville ancienne, fondée en 1101 avant J.C., trois siècles avant Carthage.

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Présence colorée des roses trémières que rien n’agite, elles qui frissonnent à la moindre brise. A un endroit du site, la pierre, que je n’ai pas photographiée, atteste de l’identité changeante de la ville au cours des siècles, laquelle de punique, deviendra carthaginoise puis romaine. J’aurai droit à l’histoire des trois guerres puniques, passionnante, et je regretterai un court instant d’avoir abandonné trop tôt les cours de latin… [un court instant seulement car j’étais avec l’homme qui connaît tout cela sur le bout des doigts.]

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Sous les pavés… Le site est aujourd’hui à une dizaine de kilomètres du rivage…

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Pour nous, le guide ressuscite la vivacité des poissons en arrosant la fontaine gardée à l’ombre de planches de bois. [Je réalise que je n’ai jamais mangé autant de daurades et de bars qu’en Tunisie.]

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Avec un peu d’imagination, nous nous retrouvons au temps des Romains ! Tout témoigne de leur présence :  citernes, aqueducs, thermes, forum, temples, habitations, mosaïques, etc.

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Utique est le plus grand site archéologique du gouvernorat de Bizerte. [Un gouvernorat est l’équivalent d’un de nos départements. Il y en a 24 en Tunisie.]

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La trace des attaches où l’on gardait les bêtes, sur le bord des mangeoires creusées dans la pierre.
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La nécropole punique abrite plusieurs types de tombeaux parmi lesquels des sarcophages d’un seul bloc à la taille impressionnante, fermés par un couvercle taillé dans la même pierre…

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Notre guide prétend que les habitants de l’époque étaient de grande taille… hum… hum…

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L’entrée du musée national d’Utique était en face de nous, mais au guichet j’ai préféré cette vue sur la droite, cachée parmi les arbres, des locaux qui abritent de belles pièces datant de l’époque punique et de l’époque romaine…

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…parmi lesquelles cette petite licorne, clin d’œil à mes deux filles…

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Et l’au revoir touchant de ce couple uni dans la pierre.

[Il faut aller lire l’article Wikipédia, très bien documenté sur ce site.]

Pour A.

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Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 4.0 International.

Texte et photo : M. Sauvage

Manifeste des intellectuels tunisiens contre le terrorisme

Congrès des intellectuels tunisiens contre le terrorisme

Tunis, 12 août 2015.

Le manifeste des intellectuels contre le terrorisme

Notre société subit, depuis plus de quatre ans, les attaques meurtrières d’un terrorisme islamiste, organisé et soutenu par les réseaux locaux, régionaux et internationaux. Les victimes de ce terrorisme se comptent par dizaines parmi les personnalités politiques, les militaires, les forces de l’ordre et les civils étrangers et tunisiens.

Le terrorisme vise à détruire la paix civile, la cohésion sociale, la sécurité de l’Etat et l’économie du pays. Il recrute essentiellement parmi les franges les plus vulnérables de notre jeunesse et propage la haine de l’Autre et la banalisation de la violence.

Conscients de la nécessité de la mobilisation de toutes les forces de la société civile, de l’Etat et de tous les acteurs politiques, nous, femmes et hommes, universitaires, enseignants, acteurs culturels et créateurs, réunis dans ce Congrès contre le terrorisme et pour la défense de l’Etat civil et démocratique adoptons le présent manifeste :

Le terrorisme, est un phénomène total parce que fruit d’une idéologie qui se présente au monde comme un mode d’être, de penser et d’agir, mobilisant des moyens matériels et une propagande. Pour le neutraliser et extirper ses racines de la société, il doit être mieux appréhendé dans toutes ses dimensions.

Le terrorisme, dont nous subissons les actes barbares, est l’expression idéologique d’une minorité violente qui se base sur une interprétation littérale et extrémiste de la religion et de ses textes fondateurs. Cette idéologie aliène particulièrement les femmes, dont la libération a constitué le principal opérateur de modernité dans notre société.

Le terrorisme islamiste puise l’essentiel de sa vision, de ses principes et conceptions des traditions de l’islam salafiste wahabite et des idéologies politiques qui s’en inspirent notamment celle des « Frères musulmans ». Il n’est pas un phénomène proprement tunisien. Il est transfrontalier et constitue un maillon d’une chaîne mondialisée du terrorisme international actif dans la région, en Orient et en Occident. Il est nourri par des réseaux où se mêlent des intérêts complexes et multiples, géopolitiques et idéologiques, économiques et militaires.

Ennemi de la modernité et de notre héritage pluriel et millénaire, en guerre contre la République civile et démocratique, il s’inscrit spontanément dans le capitalisme globalisé tout en rejetant l’universel au nom d’identités politiquement et idéologiquement construites, sans rapport avec la complexité des appartenances réelles et multiples.

Les fractures économiques, sociales et culturelles profondes à l’intérieur du pays et dans le monde font accroire à la jeunesse contestataire que le terrorisme peut constituer l’alternative salutaire et créent, auprès d’elle, l’illusion que ce « jihadisme » constitue une réponse « légitime » et « juste » aux injustices du monde.

Pour vaincre le terrorisme, il faut, par conséquent, construire un projet d’avenir, à même de convaincre la jeunesse de la possibilité d’agir, de s’exprimer et de s’épanouir dans la société et non contre elle, de façon pacifique et organisée et non par la violence et l’auto-exclusion.

Il incombe, pour ce faire, à l’Etat, aux institutions économiques, sociales et culturelles, à la société civile, et à la jeunesse et à nous intellectuels de toutes les obédiences philosophiques, artistiques et religieuses de réfléchir et d’agir sous des formes diverses pour reconstruire un pacte social partagé, fait de valeurs et d’engagements réciproques, à même de restaurer le pacte civique gravement altéré.

Ce pacte social nouveau se fonde sur :

  • Un Etat de droit fondé sur la Constitution, qui se défend et défende la société, qui impose le respect des lois, l’indépendance de la justice, l’arrêt de la destruction et de l’autodestruction.
  • Un projet de société renouvelé, fondé sur les principes universels de l’égalité entre les hommes et les femmes, de la liberté de l’individu et de la pensée garantis par la Constitution.
  • Une refonte du rapport de l’Etat au religieux en vue d’établir une nette séparation entre le politique et le religieux, entre la sphère publique et la sphère privée, de revoir les statuts des instances en charge des affaires du culte afin d’assurer leur neutralité et de les protéger contre toute manipulation idéologique.
  • Des enseignants et un système éducatif qui se remettent en question et innovent : une école qui éduque, qui enseigne le vivre-ensemble, cultive et libère les capacités de la personne.
  • Une université citoyenne ouverte sur le monde et le renouvellement des savoirs et l’ancrage de la pensée critique et jouissant de la liberté académique et de moyens garantissant la qualité de l’enseignement
  • Une politique culturelle de proximité qui met l’art et le patrimoine au service de la société et de son développement.
  • Une politique sociale qui combat les inégalités et offre des opportunités au profit de toutes les régions, des jeunes et de tous les groupes sociaux.
  • Une multiplication des espaces médiatiques destinés à sensibiliser l’opinion publique au sujet des risques liés au repli identitaire et aux conceptions réductrices et dogmatiques de la religion et de l’histoire et visant à prémunir la société contre leurs dangers.
  • Une politique sécuritaire et de défense efficace

Conscients de nos responsabilités et désireux de contribuer démocratiquement à des actions en vue d’asseoir les bases d’une réforme profonde de notre société et de sa culture, nous signataires de ce manifeste nous nous déclarons mobilisés de façon durable en tant que collectif d’action et de propositions contre le terrorisme, pour une transition démocratique garantissant la liberté, la justice et la paix pour toutes les Tunisiennes et les Tunisiens.

Tunis, le 12 août 2015