Ricarensis

Hier, balade matinale dans les villages environnants à la recherche d’enseignes anciennes, de plus en plus difficiles à trouver. Et à Richerenches, étonnement de redécouvrir un village de l’enfance entièrement rénové.

Entrée par la porte du Cadran solaire, je débouche sur la Placette des templiers qui me rappelle donc l’histoire du lieu où fut fondée une commanderie en 1136 par l’Ordre du Temple. Ce furent d’abord une ferme fortifiée puis une chapelle, terminée en 1147. Les marais environnants sont asséchés. On cultive le blé et la vigne, et l’on élève moutons et chevaux, bêtes solides que l’on envoie guerroyer en Terre sainte !

Ricarensis, qui donnera Richerenches, est le nom donné au lieu par le seigneur local Hugues de Bourbouton dont le souvenir subsiste dans une place du village.

Richerenches, qui s’enorgueillit du titre de Capitale de la truffe, possède bien sûr son musée, fermé en ces temps de covid. « Selon les années, il s’y échange de dix à trente tonnes de truffes, soit 30 % de la production nationale », indique le site de la commune. « Chaque année, le troisième dimanche de janvier, on célèbre dans l’église la messe dite « des truffes », cérémonie créée à la fin des années 1950 par le curé de la paroisse l’abbé Henri Michel-Reyne. Lors de cette messe (en provençal), des truffes sont données en offrande lors de la quête, puis une pesée et une vente aux enchères est organisée devant la mairie. »
Les ruelles du village et les placettes sont toutes chargées de sérénité. Poursuite de la promenade intra muros.

Avec la surprise de passages drôlement nommés… Le « trou du chien » et le « soustet des chevaliers »…

Hors les murs, maintenant, empruntons le Cours du midi…

Texte et photos : Marlen Sauvage

Le village de Louise, par Monika Esse

Un texte issu d’une proposition d’écriture, par Monika Esse, atelier de Florac.

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Elle est arrivée sur la place du village. Le mur gris est toujours là. Le petit chemin aussi, bordé maintenant d’une haie d’orties qui rendent l’approche difficile. Mais la ferme n’existe plus. Effondrée ? Rasée ?  Elle ne l’a jamais su. Elle n’était pas revenue depuis l’été de ses 15 ans.

Dans sa tête, elle repeuple cet endroit changé en terrain vague. La maison basse, l’entrée dans la cuisine avec le grand fourneau qui cuisinait, chauffait l’eau pour la toilette et rayonnait dans la pièce. Elle ne se rappelle plus les chambres, dortoirs où les enfants dormaient ensemble. Par la fenêtre, on voyait la route où le car soulevait la poussière deux fois par jour. A la porte, vue sur la cour, sur les cochons qui couraient dans un enclos, sur le gros tas de fumier au milieu, sur la cabane qui abritait les toilettes qu’on qualifierait aujourd’hui de toilettes sèches. De l’autre côté, l’étable, avec quelques vaches pour le lait et deux bœufs qui tiraient la charrette sur les chemins et la charrue dans les champs. L’odeur de l’étable rivalisait avec celle du fumier. Ensuite la remise pour les outils et la grange où étaient entreposés la paille et les grains de blé.

Elle rouvre les yeux. Le souvenir est vif, jusqu’aux odeurs acres et poussiéreuses.  Mais devant elle, il n’y a que le paysage. Un pré vert couvert d’une herbe grasse, un verger avec les vieux arbres qu’elle reconnaît. Le poirier dont les petits fruits jaunes tombaient bien trop tôt par terre, vite talés, immangeables. Les pommiers, cerisiers, pruniers qui invitaient les gamins à grimper, toujours plus haut, au prix de culottes déchirées et d’engueulades mémorables. Le potager qui accueillait parmi les légumes des delphiniums et des pivoines. Le goût des carottes tirées du sol, pleines de terre, qu’on lavait sous l’eau  jaillissant de la bouche d’une vieille fontaine au bras grinçant. C’est là qu’elle avait appris ses liens avec la nature.  Pieds nus dans la rosée du matin,griffures de la chaume pendant les moissons, grondement de l’orage dans la plaine, odeur de la pluie sur la poussière de la route. Premier baisers au goût de l’herbe fraîchement coupée.

Elle lève les yeux, regarde devant elle. A l’horizon, mais finalement beaucoup plus près que dans son souvenir, le village voisin et sa piscine improvisée. La distance est plus petite aujourd’hui que pour les yeux et les pieds d’autrefois. Sur la colline, à quelques battements d’ailes, le chef-lieu qui appartenait à un autre monde. L’église pour la messe du dimanche. Le coiffeur pour les premières permanentes qui frisottaient autour de la tête. Le magasin pour les besoins hebdomadaires. Le médecin s’il en fallait un. C’était loin.

Elle se retourne, regarde la belle maison en face devenue une résidence secondaire. Le clocher qui surplombe la place, un clocher simple sans église. La cloche est accroché en haut, sur la cime. Louise se rappelle la fête de l’inauguration, la foule joyeuse et aussi solennelle, les petites filles en robe blanche, le curé en soutane qui bénit la cloche neuve, brillante dans le soleil de juillet, et sa tante qui en était devenue la marraine. Elle devait sonner l’angélus deux fois par jour, midi et soir. Pendant des années.

La cloche bouge. Balance selon le rythme imposé par la corde. Tinte timidement d’abord, puis sonne à la volée. Appelle les moissonneurs, rappelle à la prière, ramène les familles à la maison. Mais le village a changé. Peu de fermes, plus de bœufs, beaucoup de voitures. Ce n’est pas un village fantôme, mais ce n’est pas celui qu’elle a connu il y a vingt ans. Restent les arbres, les collines, le ruisseau en bas du village. Et le ciel qui éclaire le paysage.

Restent les souvenirs de Louise, de son frère, de ses cousins. Souvenirs d’apprentissages, d’initiations, d’empreintes qui ont fondé, marqué, orienté des vies. Reste le village de Louise dans la mémoire de Louise.

Texte : Monika Esse
Photo : Marlen Sauvage

La Réunion [La côte Est et Salazie, ≠ 6]

Sur la route de l’est, nous admirons de part et d’autre les coulées de lave successives depuis 1986. Arrêt dans une anse superbe. Sous la pluie, l’océan ronfle et roule ses vagues contre les falaises.

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Salazie qui devait être le moins beau des cirques s’avère particulièrement luxuriant, aux maisons chatoyantes. Il y a de l’eau ici et des cascades accueillantes malgré ciel couvert.

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L’ascension est ardue ! Mais chaque virage est une récompense. Nous dormons à l’auberge-ferme du Grand Ilet où nous faisons la connaissance d’André et Lucile, de Marielle et Nicolas. Le matin, petite marche jusqu’au col des Bœufs pour admirer Mafate encore, la Nouvelle n’est pas loin mais nous n’irons pas.

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Direction Hell Bourg, en passant par quelques sites indiqués dans le GDR (la mare à Martin, asséchée ! J’ai oublié les autres). Descente à l’hôtel des Cimes. Chambre n° 3 comme à la ferme précédente.

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Cahiers et carnets – Des voyages – LR≠6

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Une carte, un souvenir, par Marwa B.

La carte me rappelle mes grands-parents qui vivent à la campagne et qui travaillaient tout le temps dans les champs ; lorsque j’étais petite, je passais mes journées avec eux, j’aidais ma grand-mère à arroser les plantes et mon grand-père à cueillir les fruits. C’était de magnifiques moments surtout le soir lorsqu’ils retournaient chez eux, remplis de joie parce qu’ils avaient terminé leur travail. Ce champ pour eux, c’était le moyen de vivre heureux. Pour eux, il fallait travailler pour mériter cette joie.

© Marwa Briki

Ecriture collective, Village francophone junior

Ecrire pour moi… C’est la libération de l’esprit, c’est penser et réfléchir, c’est enrichir mes connaissances, c’est m’exprimer librement…
Ecrire pour moi… C’est éviter la solitude, c’est un soulagement, c’est la créativité absolue…
Ecrire pour moi, c’est une échappatoire, c’est dépasser ses limites, c’est donner ma vision, mon point de vue, c’est libérer le « moi ».
Ecrire pour moi, c’est l’ouverture, c’est exprimer mes sentiments et mes émotions, c’est améliorer mon vocabulaire, c’est corriger ses fautes, c’est donner à voir qui je suis.
Ecrire pour moi, c’est éclairer mon avenir, c’est s’échapper du quotidien, c’est fuir la réalité.
Ecrire pour moi est un loisir, c’est laisser des traces, c’est un refuge, c’est tracer un chemin, c’est gôuter le bonheur de la vie…

Issam, Amal, Amani, Ramy, Saoussen, Amira, Sabrina et Bochra, du groupe 7.

Tigre, chat, âne et lapin…, par Marwa B.

Je me souviens de mon enfance – j’avais sept ans – lorsque chaque jour je rentrais de l’école à toute vitesse pour pouvoir regarder mon dessin animé préféré. C’était à l’époque le plus célèbre. Je le regardais avec mes sœurs et mon petit frère. On était naïfs… Dans cette série, l’âne est le plus sage et le plus intelligent. J’éclate de rire quand je me souviens de cela aujourd’hui. Parfois nous nous retrouvions chez un camarade, nous étions regroupés ensemble devant la télévision, bouche-bée devant l’histoire d’une famille d’animaux où le tigre, le chat, l’âne et le lapin vivent ensemble en paix. Aujourd’hui, je comprends le message de ce dessin animé inoubliable : si les différentes espèces parviennent à vivre ensemble, les hommes aussi peuvent y parvenir.

© Marwa Briki

Nostalgie, par Azza S.

J’avais ce sourire, un sourire innocent, j’étais assise là, avec ma robe rouge décorée de dentelle blanche. Je regardais tout le monde autour de moi. On fêtait un événement, si je me rappelle bien, c’était mon anniversaire, maman m’avait bien coiffée, j’avais les cheveux longs, elle m’avait fait de très belles tresses avec des rubans. J’ai senti que j’étais belle, ravissante, je portais une couronne, j’avais le sentiment d’être une princesse que tout le monde essayait de satisfaire.

Je regardais cette photo entre mes mains avec des larmes dans les yeux, mais enfin pourquoi est-ce que je pleurais ? Cette photo était empreinte de spontanéité. J’étais là avec ma mère qui m’embrassait très fort, entourée de ma famille, tout le monde souriait, on voyait la brillance de leurs yeux, une brillance qui reflétait leur bonheur.

Mais ce n’était qu’une photo ancienne qui avait quinze ans déjà. C’était un souvenir, un beau souvenir que je ne parviendrai jamais à oublier.

J’ai posé la photo et je me suis regardée dans le miroir.
Comme j’avais grandi ! J’avais perdu ce sourire spontané et le bonheur dans mes yeux.

©Azza Souli

Lever de soleil, Korba
Lever de soleil, Korba

Photo Marlen Sauvage

Ma Tunisie perdue, Ramy Rjeiby

Fresque réalisée par les étudiants du Village francophone junior
Fresque réalisée par les étudiants du Village francophone junior

On m’avait dit qu’elle était verte
Et je n’ai jamais vu de verdure

Oh ! Le paradis des bourgeois

Je t’ai donné mon sang, mes camarades et mes grands-pères
C’est grâce à mon travail
C’est grâce à ma fatigue
Que j’ai transformé le désert en paradis
Mais jusqu’à ce jour je n’ai rien vu, ma Tunisie
je n’ai rien vu

J’ai rêvé d’elle, la plus belle
Si belle si convoitée
J’ai cru que je l’avais atteinte
La liberté
Mais malheureusement … Ce n’est pas vrai
Oh, je l’ai tant voulue !

Et je vous ai juré sur le sang des martyrs
Qu’il viendra le jour où je l’arracherai pour ce peuple opprimé
Qui souffre encore et encore
Qui passe sa vie comme un mort-vivant
Qui a perdu l’espoir d’un jour éclairant
Alors …

Je vous en supplie
Vous qui pensez
Vous qui voulez un autre monde
Vous qui rêvez de vous libérer
Levez-vous
Révoltez-vous
Entrez en guerre contre la dictature
Contre les nouveaux fascistes
Vous n’avez rien à perdre
Soyez patriote !

©Ramy Rjeiby

Parenthèse tunisienne

Le site archéologique de Kerkouane
Le site archéologique de Kerkouane

Je rentre de Tunisie où j’ai animé du 16 au 21 décembre des ateliers d’écriture pour 110 étudiants venus de l’université de Jendouba. Tous étaient réunis dans un Village francophone junior, à Korba, à 1h30 environ de Tunis. C’est cette parenthèse dont je parlerai ces jours-ci, et je publierai quelques textes de ces étudiants en 2e ou 3e année de licence de français, qui se destinent soit à enseigner le français, soit à travailler dans la communication.

J’ai été absolument conquise par ces jeunes Tunisiens chaleureux et accueillants, à la joie de vivre communicative. Leur pays va mal, leur révolution a été confisquée, ils en parlent, ils l’écrivent à travers des images émouvantes.

Parmi les ateliers prévus durant cette semaine, certains étaient animés par des intervenants français : atelier d’écriture de chansons avec Christiane Courvoisier ; La France en images avec Marthe Bréjon et Charlotte Desmares (stagiaires à l’Ambassade de France) ; histoire de l’art avec Arnauld Bréjon ; Estime de soi avec Jean-Luc Saunier (professeur de philo au lycée Léonard de Vinci à Saint-Michel-sur-Orge).

Cette première édition d’un Village francophone junior est une initiative de l’Institut français en Tunisie et de Daniel Bonnardel en particulier, en charge de la coopération éducative et linguistique. Nous étions accueillis à l’IMEF de Korba (Institut des métiers de l’éducation et de la formation).

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