© Caspar David Friedrich – Femme au soleil du matin (détail), 1818
Musée Folkwang, Essen
« Mon très cher frère, si je t’écris ce matin, c’est que je veux te faire partager le moment que je viens de connaître et l’émotion qui m’enserre encore la poitrine. Je me suis éveillée moins tardivement que de coutume et l’altération de ma santé m’a laissé un répit dont j’ai profité pour sortir de ma chambre et tenter quelques pas dans la campagne. Je ne saurais te dépeindre les couleurs du ciel dans les instants qui ont précédé l’apparition du soleil derrière notre Leichtberg. La journée sera venteuse je crois ; les nuages avançaient en rouleaux comme sur une mer céleste pour se perdre derrière les plis vaporeux de l’horizon. L’air même que je respirais avait les couleurs de l’or et du vermeil.
Et toi ? Ton voyage en Suisse, au pays des pics et des glaciers t’apporte-t-il les satisfactions que tu en attendais lors de ton départ, après les recommandations de nos parents et nos tendres embrassements ? Je sais que tu aimes à méditer devant les abîmes où le regard se perd et que ces paysages grandioses savent t’offrir les vertiges dont se nourrissent les imaginations fiévreuses et les aspirations des cœurs inquiets. Ah, Caspar, si le mal dont je souffre devait par malheur m’être fatal, sache que je me laisserais emporter par le flot lumineux de ces nuées d’un matin. J’ai la confiante pensée que ton regard aimant saurait m’y trouver.
Héloïsa »
Yves Jaffrennou – Les Toiles de Vénus, 2016.
(Avec l’aimable autorisation de l’auteur)
En réalité, dans ce livre publié à compte d’auteur, la question que se pose Yves Jaffrennou, est la suivante : « Et si on laissait parler les personnages des tableaux ? ».
Ici, des personnages féminins qui ont pris vie sous le pinceau des maîtres de la peinture occidentale depuis la Renaissance, disent leur chant intime, et, dans l’originalité de chacune d’entre elles, engagent à chaque fois entre les tableaux et nous la possibilité d’un dialogue, d’une émotion partagée.
Professeur agrégé de lettres modernes, Yves Jaffrennou, est l’auteur de plusieurs livres et poèmes (liste non exhaustive) :
O filles de Ieroushalaïm, 1990, éd. Clément.
La guerre de Titi, Mémoires, 2004, éd. Cheminements
Cévenol, une mémoire des Cévennes, 2005, éd. Cheminements
Les vélos indiscrets, 2007, éd. Cheminements
Simon et Louise, 2008, éd. Cheminements
Native, 2011, éd. LApart
Le Nombril d’Eve, 2012, éd. LApart
Les mots du jour, 2014, éd. LApart
Le loup et la petite fille, un conte illustré par Evelyne Mary, 2015, éd. Rue du monde.