L’homme blanc

Merrimack River © Five Rivers Conservation Trust

« L’homme blanc arrive, aussi pâle que l’aube, avec la tête pleine de pensées, l’intelligence en sommeil comme un feu qu’on ranime, connaissant bien ce qu’il connaît, ne pressentant pas mais calculant. Fort en communauté, il fait allégeance à l’autorité. Il appartient à un peuple qui a de l’expérience. Il fait montre d’un bon sens merveilleux. Il est obtus mais capable, lent mais persévérant, sévère mais juste. Il n’a guère le sens de l’humour mais il est franc. C’est un homme travailleur, qui méprise les jeux et les loisirs et qui se construit une maison qui dure, une maison avec une charpente. Il achète les mocassins et les paniers de l’Indien, puis il achète ses terrains de chasse, finit par oublier où est enterré ce dernier et laboure ses ossements. Ici, les registres de la ville, les vieilles chroniques en lambeaux, usées et délavées par le temps, abritent parfois la signature du sachem indien,une flèche ou un blaireau, et les quelques mots fatals par lesquels il a renoncé à ses terrains de chasse. Il vient avec une liste de vieux noms saxons, normands et celtiques, qu’il essaime le long du fleuve – Framingham, Sudbury, Bedford, Carlisle, Billerica, Chelmsford – et voici la Nouvelle-Angleterre et les nouveaux Saxons de l’Ouest, que les Peaux-Rouges n’appellent ni Pêcheurs ni Anglais, mais Yengeese, et c’est ainsi qu’on a fini par leur donner le nom de Yankees. »

Henry David Thoreau, Sept jours sur le fleuve.
Traduction et édition  de Thierry Gillybœuf.

Photo : https://5rct.org/merrimack-river/

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