Poisson rouge

 

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Une soirée sur la plage de Monsieur Hulot, à Saint-Marc-sur-Mer. Un rocher assailli par les moules minuscules, une pause dans le mariage, entre dix-huit heures et vingt heures, les pieds dans l’eau. J’écoute mes pensées, leur papotage recouvre celui des invités, plus haut sur le front de mer, il roule et bat comme l’océan mais à cette heure-ci pas de batailles, pas de vagues, la marée monte et je l’attends. J’entends la voix d’un professeur à quoi bon aller à la pêche quand on a déjà les poissons dans la main. Elle vient de loin très loin dans le temps. Au bord de la plage de Monsieur Hulot, les algues piègent mes orteils. Je m’étourdis du piqué des mouettes à la pêche de poissons brillants. Ici aucune profondeur marine, aucun poisson d’or. Celui de Paul Klee surgit un bref instant de son tableau bleu outremer. La peau mange le soleil qui tombe en miettes dans le soir naissant, on ne craint pas les coups, à Saint-Marc-sur-Mer un samedi de juin entre dix-huit heures et vingt heures. L’air est doux, la musique lointaine, haché le cliquetis des verres que l’on installe sous le barnum pour l’apéritif à l’Hôtel de la Plage. De temps en temps, le cri d’un enfant, ils courent quelque part sur le sable gris. L’un d’eux fait la roue et porte un habit jaune. Mais aucune partie de tennis, le jour tombe, les vacanciers repartent chez eux. Je voyage dans un temps incertain, dix ans, quinze ans, vingt ans peut-être à Saint-Marc-sur-Mer ce jour de juin. Et tandis que la mer ouvre et ferme ses portes , la nounou cueille un poisson rouge.

 

1 – Yves Rouquette, poète occitan.

 

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Nous poursuivons notre voyage dans l’univers  Des poissons et des femmes entamé le 4 janvier et pour une année entière : sur une image de Marc Guerra, j’écris un texte et publie le tout chaque vendredi… jour du poisson !

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Animation d’ateliers d’écriture : LA formation !

Vous aimez écrire, faire écrire, vous souhaitez vous former à l’animation d’ateliers d’écriture ? L’université Paul Valéry, Montpellier III (SUFCO) ouvre une deuxième session de recrutement pour le DUAAE au titre de la promotion 2014/15.

Le dossier de candidature est à remettre par mail le 1er septembre 2014 au plus tard (à envoyer à Monsieur Lhote), pour une audition le 5 septembre 2014.

Attention, les cours démarrent le 15 septembre 2014…
=> Le site: http://duaae.sufco.fr

 

Barbe-Bleue

 

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Et bien voilà, il fallait s’en douter, le requin allait pointer son nez… Et que dire du requin une fois raconté le souvenir des Dents de la mer, vu au fond d’une salle de cinéma l’année de sa sortie, à Toulouse, le visage enfoui la plupart du temps sous l’aisselle de mon amoureux de l’époque, ce qui me rappelle que des années plus tard, pour ce film terriblement angoissant que Cape Fear, j’avais posé la main sur la cuisse de mon voisin, la serrant au fur et à mesure de l’intensité de la scène où Max Cady traque Sam Bowden à Fort Lauderdale jusqu’à ce que le gars, un inconnu, me demande gentiment de bien vouloir arrêter parce que là, ma main, ça le stressait, mais je m’égare, et donc que dire du requin ?

J’avais passé en revue mes connaissances en la matière, et c’était bien mince, aussi vite cliqué « requin » dans la barre d’un moteur de recherche pour parvenir à mes fins, mais j’ignorais encore ce qu’elles seraient, et me voilà à la tête d’une liste impressionnante d’espèces… Requin épineux, requin de sable, requin-renard, requin-baleine, requin-bleu, requin-blanc, requin pélerin, requin-tigre, requin-taureau, requin-tapis… J’aimais bien le tapis parce que la dame paraît confortablement assise, perchée sur le nez de la bête.

Puis orectolobus barbatus… – le nom savant du requin-tapis – m’évoquant celui de la Barbe bleue, je trouvais quelques liens lointains entre la femme perchée et celle qui du haut de sa tour répète Anne ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir (dans la version que nous avions, enfants, car j’ai appris tout récemment que la véritable serait autre). Renseignements pris, il semble que le requin-tapis « chasse à l’affût dans les herbes où il passe inaperçu grâce à sa coloration et aux houppes dont sa tête est ornée. » Mais de houppes, point sur mon image, aussi j’allais chercher celle d’un requin-tapis pour en avoir le cœur net.

Ce n’était pas mon homme, celui-ci se terre dans les replis souterrains et même dans les épaves… Il peut être moustachu, tacheté, savetier ou cordonnier. On pourrait imaginer toute une histoire avec ces bêtes pratiquant de vieux métiers, pensais-je tout en lisant, mais ce n’était pas tout, j’arrivais enfin au super-ordre Selachimorpha qui lui-même comprend 8 ordres et là, je me régalais. Visez un peu : requin-lézard, requin griset, squale chagrin, squale savate, squale mignon, squale bouclé, squale grogneur, requin dormeur, requin carpette, requin aveugle, requin nourrice, requin-zèbre, requin-lutin, requin-crocodile, requin-grande gueule, requin-taupe, requin-chat, requin-Hâ, requin viril (eh eh), requin vrai, requin-bouledogue, requin pygmée, requin soyeux ou encore requin requiem (la liste n’est pas exhaustive). Et là, je découvre que le Littré jadis proposait l’origine de requiem au mot requin, parce que celui qui voit le requin n’aurait plus eu qu’à dire son requiem. « Malheureusement les spécialistes les plus calés disent que c’est une explication fantaisiste », selon Georges Duhamel dans sa Chronique des Pasquier. D’autant que « injustement considérés comme des machines à tuer (…), sur la grande variété d’espèces de requins, très peu sont potentiellement dangereux pour nous », nous assure le site dinosoria.com

Pffffff ! On ne peut se fier à rien ni à personne, si Littré débloque et si les requins ne nous mangent plus.

 

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Coup de vent

Facing Back Woman

D’abord, j’avais cru à un coup de vent, une brise venue de la mer qui aurait couru sur la lande, roulé sur les rochers épars, couché davantage l’herbe rase avant de s’engouffrer dans ses cheveux roux. Puis je réalisais combien sont vulnérables les gens de dos. Et aussi qu’on les voit si peu de dos, ou plutôt qu’on les regarde si peu. Et m’est revenu en mémoire ce film de Takeshi Tikano (je crois) où un jeune garçon photographie systématiquement tout le monde de dos, parce qu’il a remarqué qu’on ne le faisait jamais. Tout cela est si juste. Comme il est commun de raconter un visage et un corps, leur modelé, la texture et la carnation d’une peau, le dessin d’un sourcil ou d’une lèvre, mais combien de dos pour toutes ces histoires ? Comme  elle est émouvante la nuque aux cheveux relevés d’où s’échappe une mèche oubliée… Récemment, une jeune fille me rapportait qu’au lycée, un garçon inconnu avait embrassé furtivement le haut de son dos, circonscrit dans un vide du t-shirt. C’est tout cela qui venait parasiter mon observation de la photo de la femme rousse…  Et j’ai pensé que le poisson lui ferait une belle écharpe si elle ne l’avalait pas avant.

 

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Lâcher-prise

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Elle devait seulement écrire (ne pas penser). Ecrire. Ecrire qu’elle regardait voler les papillons, et même cela était trop : les voir suffirait. Voir l’eucalyptus muer aujourd’hui comme hier, plonger ses branches avec ses bouquets blancs dans le bleu du ciel. Voir danser trois oiseaux noirs dans l’effilochement de l’unique nuage. Voir l’herbe jaunir avec la fin du printemps. Entendre le bourdon dans la glycine. Entendre les oiseaux pépier. Entendre les grillons striduler. Laisser l’hameçon pendre au milieu des paroles, des idées, des images. Ne pas s’en saisir. S’en dessaisir. S’écarter. Jouir de la chaleur du soleil sur sa peau claire. Exister. Seule. S’environner de sa solitude, s’en délecter. Savoir qu’il partage le poisson sans elle. Le savoir et n’en rien penser. L’oublier au milieu des arbres. Oublier ces arbres, cette forêt. Voir l’eucalyptus, encore demain.

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Tous les chemins mènent à (St) Rome…

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Terminée, la résidence à St-Rome-de-Dolan ! Je n’ai qu’un mot pour résumer cette expérience avec les adhérents du GEM, leurs animatrices, et Sophie Tiers : INTENSE. Avant de mettre en ligne le carnet de cette semaine, voici déjà en quelques images et en quelques mots ce qu’a pu susciter le thème que nous avions proposé, celui des Itinéraires…

Voler dans l’air
comme un vautour
du vent dans l’air
bleu
des nuages
voler pour partir
loin
partir vers un pays chaud
une île

Georgette

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Partir partir là où va la rivière la suivre jusqu’à la mer puis embarquer sur un bateau et aller visiter les îles Partir où l’on veut comme on veut en bateau en train ou en voiture voir des pays que l’on ne connaît pas et qu’on rêve de connaître imaginer ces pays et  voir leur magie qui frappe nos imaginations partir sur un radeau dans un canot et descendre la rivière de cascade en cascade plonger au sein de l’eau mouvante et revenir à la surface se baigner dans l’eau calme d’un étang en attendant de plonger dans celle d’un lagon partir en se laissant aller au gré des flots.

Michèle

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