Carnet des jours (36)

[Sans doute ai-je l’impression, à cultiver ce décalage, de ne plus parler vraiment de moi…]

Mercredi 1er août 2018
Envol pour Tunis ! Avant de prendre la route deux jours plus tard pour Monastir.

Là, je découvre les travaux effectués ces dernières semaines dans la maison de A… Les très beaux azulejos dans l’entrée et la montée d’escalier, la blancheur des murs et des portes… mais pour moi, l’espace vient de perdre le charme particulier que lui conférait auparavant le bleu tunisien ! Les ouvriers ont abandonné leurs outils… laissé le chantier quasiment en l’état… il faut nettoyer, décoller la peinture du sol ancien, laver à grande eau… Pour récompense, les baignades, heureusement !

Une des plages de la ville

Lundi 6 août
Je me joins à une initiative monastirienne qui offre des ateliers durant les vacances aux enfants de la ville – maths, sciences, français et… écriture. Tous les lundis, un petit groupe de 17 jeunes de 11 à 18 ans me racontent leurs lectures, leur vie de collégien.ne, la ville telle qu’ils l’aiment ou la rêvent. « J’aime la solidarité entre les habitants, que mes cousins habitent à côté de chez moi, la vue sur la mer, je déteste la saleté, les poubelles que les gens ne portent pas jusqu’à l’endroit où on les récolte, les chiens méchants qui aboient toutes les nuits, j’aimerais que l’on ait un parc d’attraction, que l’on plante des arbres, que l’on construise des stades… » Certains me confient leurs projets d’avenir, d’études, et les difficultés qu’ils entrevoient quand les parents ne sont pas fortunés ou pas d’accord avec leurs choix… Leurs confidences m’émeuvent, nous imaginons ensemble les parcours qui leur permettraient d’atteindre leur but. Que faire sinon les encourager à défendre leurs désirs ?

Mardi 14 août
Sur la route de Tunis, arrêt chez Leila M. pour une invitation à déjeuner avec Faouzia Zouari. Accueil royal ! A table, la discussion démarre avec la place de la femme dans l’islam… Echanges érudits, militantisme salutaire, et belle présence de la journaliste-écrivaine. Je regrette de n’avoir rien enregistré… Le lieu est enchanteur, verdoyant sous le soleil ardent ; la maison, magnifique, cachée dans une propriété plantée de vergers. Je m’écarte pour quelques photos…

Sur la route, en soirée, mon regard est captivé (qui l’eut cru ?) par la beauté du ciel… assailli par les pylônes et les réverbères.

Mercredi 15 août
Déjeuner avenue Bourguiba avec Marouene et Cherine. Quels jeunes professeurs talentueux ! Nous évoquons ensemble le projet porté par Françoise Coupat dans le cadre du sommet de la francophonie prévu à Tunis en 2020. J’envisage un séjour au Kef prochainement pour nouer quelques contacts.

21 août
Les vacances se poursuivent ici, à Monastir, qui m’inspirera le dernier texte pour l’atelier d’été de François Bon (publié avec ceux de 79 auteurs sur le thème de la ville dans Je vous parlerai d’une autre nuit). Je l’explore en fin d’après-midi, quand la lumière enveloppe le paysage des plus beaux tons orangés. J’aime les ruelles encombrées de sa médina où s’agite la vie des petits commerces, colorés, avenants, qui côtoient les places plantées de palmiers, sa corniche aux pavés roses, les excellents beignets que l’on y trouve dans des échoppes aménagées, son ribat, ses calèches kitsch, sa marina…

Une place vide ici, mais le soir peuplée de vacanciers qui s’installent en famille au pied des palmiers
Le fort
La grande mosquée
Quand la couleur du soir embellit même les immeubles…

Dernière semaine d’août, B. nous rend visite pour 3 jours. Nous assistons à Hergla, petit village côtier à une heure de Tunis, aux 13e rencontres cinématographiques (en lien avec l’Italie) intitulées « Mémoire cinématographique d’Hergla ». Cinquante ans auparavant, Rossellini a tourné ici Les actes des apôtres, que nous souhaitions voir ou revoir. (Le film ne sera finalement pas projeté pour des raisons techniques.) A l’époque, le village était totalement sous-développé, ainsi qu’en témoigne un documentaire suédois, datant de 1966, intitulé sobrement Hergla. Pas de route, pas d’eau, pas d’électricité, des enfants aux pieds nus… Un autre film mais une fiction cette fois, Un garçon dans la foule, donne à voir le village à la même époque, village qui fera d’ailleurs partie comme près de deux cents autres (de mémoire) d’un programme particulier de développement, durant la présidence de Bourguiba.

Pas de soirée tunisienne sans musique ni chanson… 
Image extraite du film Un garçon dans la foule, de Lotfi Layouni, 1967

Texte et photos : Marlen Sauvage

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