Des notes retrouvées à même le blog, car les carnets ne me suffisent pas, il faut croire. Puisqu’il y a un « elle », il s’agit d’une fiction, mais laquelle ?

C’est au fond pour toi toujours que j’écris… pour cette part de toi que parfois la vie me laisse entrevoir et qu’une acuité éphémère m’oblige à cerner… écrire… circonscrire… dans la conscience que l’essentiel se brisera sur les mots, que l’effondrement me guette, et que de cet effondrement naîtra une parole lucide… c’est cela… écrire comme on se cherche, dans une quête qu’aucun creuset ne contient, ne peut contenir, parce que la faille s’annonce et que cette quête est peut-être celle-ci, celle de la faille… une écriture de circonstance, qui ne peut qu’être intrinsèquement contenue dans l’expérience du bonheur vulnérable ou de la souffrance, quand la réalité s’évanouit et que dans l’évanouissement revient la conscience de soi… une écriture comme une contrainte obsessionnelle à laquelle se soumettre parce qu’elle m’oblige…
Elle alterne le rouge et le noir, une ligne sur deux. D’abord, elle ne cherche pas à dire, les mots se suffisent à eux-mêmes, une succession de mots, elle pense « sans queue ni tête ». C’est la plume qui l’intéresse, l’encre et la plume. Quoi écrire dans ce geste ancien où la plume gratte le papier, dessine des lettres gavées de liquide rouge puis noir, éclabousse les marges en une pluie de gouttes minuscules, fanfaronne et crisse sur les défauts du papier ? Apprivoiser l’outil… Surgit une phrase, une longue déclaration qui court sur les pages carrées. A qui écrit-elle, à lui ou à elle-même ? Ecrire parce qu’elle a des chances d’être lue ? Espérer qu’il jette un œil sur ce carnet, qu’un mot l’aimantera, qu’il saura lire entre les couleurs, dans la transparence du noir et du rouge, dans cette série de mots étrangers avant d’être écrits ? Parler d’elle sans en parler et laisser le trop-plein dans le papier buvard – bavard – pour qu’il se soûle de mots et d’encre ?