Assise dans l’herbe devant la façade de la maison, je promenais mes pensées sur chacune de ses fenêtres à l’étage, sur chacune des portes et fenêtres du rez-de-chaussée. Je devinais chaque pierre de fraidonite, noire sous le ciment, aux joints qui se fissuraient. Fenêtres et portes reflétaient le ciel et ses nuages, passants éthérés aux contours inquiets. L’ancienne vigne vierge agrippait encore ses ventouses sur le crépi usé, l’ombre projetée de ses vrilles dessinait d’autres fioritures, arabesques mouvantes sous mon regard clignotant. Bientôt l’autre vigne, nouvelle, se hisserait sur ses rameaux, l’enroulerait de sa jeunesse, partagerait avec l’ancienne sa verdeur. Je ne la verrais pas.
Sous mes fesses, la fraîcheur de la terre s’infiltrait dans mon corps, le tétanisant par endroits et je n’osais bouger, échappant ainsi aux fourmillements insidieux qui auraient laissé présager le pire. Plantée là devant cette massive beauté qu’était ma maison des Cévennes, je devinais que nous nous fuirions un jour, que nous ne nous étions croisées qu’incidemment, pour nous rassurer, pour savoir que nous existions et combien nous étions liées avant de se connaître, et que notre infidélité serait le gage même de notre extrême amour. Les deux cœurs à droite gravés dans la pierre battaient dans le mien.
Comment dire cette présence en moi, cette certitude que le bonheur goûté jusqu’ici était éphémère, que je n’avais peut-être rien atteint au bout du compte dans cette vie, que je n’avais encore parcouru qu’un morceau du chemin ? Tant de bagarres, de retournements, d’acharnement, de volonté, d’hivers, d’étés, cette vie cévenole, rugueuse, exigeante, ma vie, pour retrouver loin dans le ventre l’aiguillon de la mélancolie. Ainsi tu me demanderais de partir, de te quitter, tu m’élèverais à la hauteur de notre connivence. Je répétais sans fin j’avais une maison en Cévennes. Massive comme un vaisseau.
Texte et photos Marlen Sauvage
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Comment quitte-t-on une maison comme celle-ci ? Comment quitte-t-on les montagnes où elle se niche ? J’imagine les matins, les soirs et les saisons ; j’ai le vertige, une sensation de déséquilibre qui naît du vide que j’imagine être l’héritage en vous de cette maison quittée.
Le texte est (m’a été)
semblable à cette maison
qui n’a fait aucune violence au paysage (?)
pour s’y lover
elle pourrait y avoir été de toute éternité.
Merci Aunryz ! C’est bien cela… pour ce qui concerne la maison !
la maison est un vaisseau ancré dans le cœur, a t-on vraiment envie de larguer les amarres,la pensée reste un « amer » pour le voyageur .Bonne route,bonnes escales pour ce très joli texte…Merci. Claudine
Merci, Claudine, je vais étirer le voyage encore, alors…
J’ai trouvé ton texte très fort… mais très triste… et je me demandait de qui tu parlait à la fin… la maison ou quelqu’un d’autre?
Je ne parle que de la maison ! Pour moi il s’agissait d’un constat a posteriori de ce que cet attachement à des pierres, finalement, ne pouvait pas résister à l’appel du large !
Merci pour ce très beau texte. Il faut savoir que les maisons que l’on a « habitées » ne nous quittent pas on les emporte avec soi. Il peut même arriver quelquefois si l’on est attentif qu’elles nous disent qu’elles nous aiment comme nous les avons aimées.
Oui, je suis d’accord avec toi, Rachel. Merci pour ta visite !
Bouleversant.
Merci de ton passage ici. Des pensées tunisoises…
C’est beau…
Merci !
……. » le monde est ma maison « …..ta maison est mon monde. Monde intérieur, monde extérieur…..merci pour ce thé silencieux au libre soleil
…Fabien
Vive le partage !
Le dernier voyage possible demeure ici celui du regard. Et le votre est infiniment exquis dans ce pays Cévenol
Avec la distance, géographique et temporelle, c’est un regard tourmenté, je crois. Merci pour votre lecture. Et pour votre… regard.
Quel lieu et maison magnifiques ! Connivence avec la nature qui l’accueille. Symbiose. Paix et contemplation. Merci pour ce partage !
Merci à toi Chris, je reviens fin mars pour quelques semaines. Retrouver la paix de ce lieu magique, oui.